vendredi 12 décembre 2008

Keanu Reeves ou le rêve éveillé

A l'heure de la sortie française du remake du film de Robert Wise, Le jour où la terre s'arrêta (1951), les critiques ne sont pas tendres avec ce pauvre Keanu Reeves. L'icône toute de glamour et de latex de Matrix se trouve changé en dépressif chronique dans les commentaires des reporters cinéma autochtones qui décidemment adorent brûler ce qu'ils ont aimé.



La question n'est pas de savoir si Keanu Reeves est un bon acteur, s'il a jamais été un bon acteur, ni même quand il a cessé d'être un bon acteur. La question n'est même pas de savoir si Keanu Reeves est un acteur. Car elle ne se pose pas. Du fait que, non, il n'est pas un acteur et encore moins un bon acteur. Il est Keanu Reeves, ça devrait déjà suffire.

Avant d'être l'homme sans âge au visage impavide, à l'oeil morne, au charisme de chaise, cachant ses blessures secrètes qui ne sont un secret pour personne sous des airs de gardien de prison, voire de condamné à mort, avant tout cela il a été un jeune qui monte, une valeur sûre à Hollywood. Il a même été culte.


Il a débuté sa carrière au théâtre à Toronto grâce à une pièce chargée d'érotisme homosexuel intitulée Wolfboy. Une image gay renforcée par son rôle de jeune héritier à la dérive, partiellement prostitué, dans My Own Private Idaho aux côtés de River Phoenix. Le jeune loup ne commente ni ne dément et laisse planer un flou artistique sur sa vie privée, engendrant les rumeurs les plus folles. Mais c'est assurément son amour du théâtre qui le rend si détonnant dans la meute hollywoodienne. Chez Gus Van Sant, il en récite des tirades entières avec brio. Il est ensuite recruté par Kenneth Branagh pour interpréter le fourbe Don Juan, tout de noir vêtu, et Dieu que ça lui va bien, dans Beaucoup De Bruit Pour Rien.

Loufoque et déjanté au début de sa carrière en provenance directe de son Canada d'adoption (Les Aventures de Bill et Ted, Je t'aime à te tuer, Tante Julia et le Scribouillard), il grimpe les marches de la renommée grâce à son audace, celle de ses choix (Gus Van Sant, Stephen Frears, Bernardo Bertolucci, Hamlet au Canada devant 50 personnes plutôt que Heat avec Pacino et De Niro), à ses fréquentations pas toujours recommandables, à son amour revendiqué et assumé du borderline. Le jeune chien fou s'est, le voulant ou non, construit un personnage à la démesure de son ambition : être une star.

Sauf que... N'est pas une star qui veut, ni même qui peut. Il faut le petit zeste de quelque chose indéfinissable et inconnu du commun des mortels pour tutoyer ces étoiles-là. Et je ne parle pas de talent. La plupart des grandes stars n'en ont pas. Marilyn Monroe parlait d'une lampe qu'elle allumait lorsqu'elle voulait devenir "elle". Le problème, c'est que Keanu n'a jamais trouvé l'interrupteur.

Alors gaussez-vous messieurs des Inrocks qui trouvez au beau "Kiniou" l'air constipé dans tous ses films, riez bien. Sachez qu'il y a les acteurs, les stars et Keanu Reeves. Et toc, qu'est ce que tu dis de ça Léo S. ? Une catégorie à lui tout seul. Encore plus fort que les monuments graniteux de Hollybois qui commencent à s'effriter.

Un acteur déprimé et dépressif, un jeu plus que contestable, une gueule d'amour inexpressive et lisse qui semble avoir découvert le secret de la jeunesse éternelle. Je dirais plutôt que le secret lui est tombé dessus sans qu'il ait rien demandé. Pour moi, surfant entre mauvais choix, douleurs intimes, avidité et étourderie, Keanu est un somnambule, un dormeur éveillé dans le noir.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Exactement. Pour moi, il sera toujours Néo.

Anonyme a dit…

Hmm moi je ne suis pas très fan fan, notamment dans Dracula, où jai trouvé ça franchemnt dommage...Mais bon dans Matrix, il fait bien son boulot, c'est chouette.
Pour son dernier film, je ne connais que celui d'origine (que je conseille à tout le monde), j'ai hâte de voir ce que ça donne!