mercredi 3 novembre 2010

Louise Brooks in words

Jolie tête, aussi bien faite dehors que dedans, la décadente Louise Brooks sut prendre la plume et dire ce qu'elle avait sur le coeur. Notamment ce qu'elle pensait de la machine Hollywood à produire de la star au centimètre carré. Son autobiographie a été publiée sous le titre Loulou à Hollywood (qui ma foi est un titre assez bête). Je n'ai pas eu la chance de le lire mais j'en ai retrouvé des passages sur internet qui permettent d'apprécier le style bien tranché de l'actrice rebelle et de savourer au passage quelques anecdotes et deux coups de latte à Marlène Dietrich.





« En 1871, Mon arrière grand-père John Brooks, avec son fils Martin et la petite famille de Martin, ont parcouru 1 500 km en chariot bâché à travers le Tennessee, l’Arkansas et la pointe du Missouri pour s’établir dans le sud-est de l’état libre du Kansas. Le gouvernement les a laissé prendre 65 hectares de terre près du village de Burden. Là, ils ont construit une cabane en rondins de 3 mètres sur quatre, dans laquelle les douze membres de la famille devaient vivre. Les Pawnee et les Cherokee avaient déjà été conduits dans une réserve en Oklahoma, dans le sud, les Indiens des Plaines combattaient alors désespérément l’Armée et la Cavalerie des Etats-Unis, qui bientôt balayèrent leurs survivants à l’est du Colorado. De plus, en 1875, des millions de bisons -le moyen de subsistance des Indiens–- avaient été massacrés par les chasseurs blancs. Peu après, des côlons se sont installés. »


Loulou à Hollywood, Louise Brooks, éditions Tallendier, 20O8.
(traduction approximative d'Angelina)



« En ce qui concerne mon échec en tant que créature sociale, ma mère tenta de me rendre moins ouvertement critique face à l’hypocrisie des gens. "Maintenant ma chérie, essaye d’être plus populaire," me disait-elle. "Essaye de ne pas faire enrager les gens !" Je regardais ma mère, belle et charmante, dont le rire donnait un sentiment d’intelligence et de satisfaction aux gens avec qui elle discutait, mais je ne pouvais pas en faire autant. Et ainsi suis-je demeurée, dans la poursuite cruelle de la vérité et de l’excellence, un bourreau inhumain de l’hypocrisie, une abomination pour tous sauf les quelques uns qui ont surmonté leur aversion de la vérité afin de libérer ce qu’il y a de bon en eux. »
Loulou à Hollywood, Louise Brooks, éditions Tallendier, 20O8.
(traduction approximative d'Angelina)



« Si je n'avais pas joué tout de suite, j'aurais perdu le rôle de Loulou. A cette heure précise à Berlin, Ma rlène Dietrich attendait avec Pabst au bureau. Pabst a déclaré plus tard "Dietrich était trop vieille et trop évidente – un regard sexy et le film se changeait en comédie burlesque. Mais je lui ai donné un délai, et le contrat était sur le point d'être signé quand la Paramount a câblé en disant que je pouvais avoir Louise Brooks". Il faut se souvenir que Pabst parlait de la pré-Josef Von Sternberg Dietrich. Elle était la Dietrich de I Kiss Your Hand, Madame, un film dans lequel caparaçonné ede perles diverses, de brocart, de plumes d'autruche, de volants de mousseline de soie, et de fourrures de lapin blanc, elle galopait d'un regard lascif à l'autre. Des années plus tard, un autre tour du destin en avait fait une star – car le biographe de Sternberg, Herman Weinberg, m'a dit que c'était seulement parce que Brigitte Helm n'était pas disponible que Sternberg chercha encore et trouva Dietrich pour L'Ange Bleu – elle dit à Travis Banton, le styliste de la Paramount qui transformait ses paillettes et ses plumes en une beauté brillante et sombre, "Imagine que Pabst a choisi Louise Brooks pour Loulou alors qu'il aurait pu m'avoir !" »
Loulou à Hollywood, Louise Brooks, éditions Tallendier, 20O8.
(traduction approximative d'Angelina)




« Je suis l’idiote la plus érudite du monde. »
Loulou à Hollywood, Louise Brooks, éditions Tallendier, 20O8.


« Humphrey Bogart a passé les vingt-et-unes dernières années de sa vie à faire fructifier laborieusement le personnage installé de l’homme d’âge mûr qui était passé de l’acteur de théâtre bien élevé et conventionnel nommé Humphrey à celui de ses rôles au cinéma – un dur rebelle connu comme Bogey. Depuis sa mort, en 1957, les biographes restaurant le culte de Bogey l’ont transformé en un saint cinématographique – St Borgart – dans lequel je peine à retrouver la trace du Humphrey que j’ai connu en 1924 ou du Bogey que j’ai vu pour la dernière fois en 1943. Les premières lacunes dans les portraits des biographes sont celles qui le peignent comme un "solitaire", un homme "déterminé", qui prend "toutes ses décisions", sans chercher plus loin que sa satisfaction immédiate. Une telle description ne conviendra pas à une star de cinéma du XXème siècle à Hollywood. Etant moi-même une solitaire née, qui a été temporairement déviée de son chemin d'ermite par une carrière au théâtre et au cinéma, j’affirme catégoriquement qu’à l’époque de Bogart rien ne ressemblait plus à l’esclavage qu’une carrière de star de cinéma. Il ne décidait seul que sur un point : signer ou non un contrat. Dans l’affirmative, il devenait la proie des cosignataires et des distributeurs de films. S’il ne signait pas, il n’était plus une star. Moi, par exemple, lorsque j'étais sous contrat avec Paramount en 1928, je me plaignais d'être forcée à traîner à Hollywood entre chaque film. "C'est ce pour quoi on te paye – ton temps" me répondait durement le secrétariat. "Vous voulez dire ma vie" me disais-je à moi-même. Avec l'apparition du parlant les salaires des acteurs furent revus à la baisse et je fus la seule à la Paramount à refuser une baisse de mon salaire, ce qui me fit perdre mon contrat. Je doutais que de telles décisions "indépendantes" allongeraient ma carrière. Quand je fus la seule du casting à refuser de retourner pour faire la version parlante de The Canary Murder Case, mon dernier film muet là-bas, le studio me fit une horrible publicité et changea mes doutes en certitude. J'étais blacklistée. Aucune major ne m'engagerait pour faire un film. Dans les dernières années, quand Bogart, à la Warner Bros, a emboîté le pas de James Cagney et Errol Flynn en se mettant en grève et en exigeant de meilleurs films et plus d'argent, le studio s'en amusa. Les acteurs triomphèrent dans l'intervalle comme les seigneurs du lot, la publicité générée par ces simulacres de batailles était gratuite et bénéfique, et beaucoup d'argent a été économisé pendant que les salaires des acteurs étaient suspendus. Les contrats avec les studios ont toujours été des blagues, en ce qui concerne les acteurs. Les studios pouvaient les briser à volonté, les acteurs étaient liés par leur peur de poursuites qui les mettraient sur la paille et par le chômage permanent. »
Loulou à Hollywood, Louise Brooks, éditions Tallendier, 20O8.
(traduction approximative d'Angelina)




« Quand j’ai quitté Hollywood pour toujours en 1940, je pensais que m’en éloigner me guérirait automatiquement de cette maladie pestilentielle plaisamment surnommée là-bas l’ »Hollywoodite ». Je me suis d’abord retirée à Wichita, chez mon père, mais j’ai découvert sur place que mes concitoyens ne savaient vraiment pas s’ils me méprisaient d’avoir réussi, après m‘être sauvé, ou bien de revenir parmi eux après mon échec. Trois ans plus tard, je me suis installée à New York où je m’aperçus que la seule carrière rémunératrice à laquelle pouvait prétendre une actrice ratée de trente-six ans était celle de la galanterie. Alors j’ai fait une croix sur mon passée, refusé de voir les quelques amis de cinéma qui me restaient et me suis mise à flirter avec des mirages engendrés par des petits flacons de somnifères jaunes. »




« La plupart des jolies filles idiotes pensent qu'elles sont intelligentes et s'en tirent comme cela, parce que les gens, dans l'ensemble, ne sont pas plus intelligents qu'elles. »




« J'ai fait le bilan de mes cinquante années depuis que j'ai quitté Wichita. Mon existence m'a remplie d'horreur car j'ai échoué en tout. L'orthographe, l'arithmétique, l'écriture, la natation, le tennis, le golf, la danse, le chant, en tant qu'actrice, en tant qu'épouse, en tant que maîtresse, en tant que pute, en tant qu'amie, et même en tant que cuisinière. Et je ne m'exonère pas avec l'habituelle excuse de ne pas avoir essayé. J'ai essayé de tout mon coeur. »















in: Qui êtes-vous ?

3 commentaires:

Cédric a dit…

Merci my Angel Night. Des Bizzz :)

Fab a dit…

bertfromsang a dit…

sublime louise...
d'une rareté certaine, sa liberté...