mardi 8 juillet 2008

Refusons l'extradition de Marina Petrella

The world is crying out loud


Ingrid Bétancourt est libre, et nous avons le droit de nous réjouir, nous avons le droit de nous enivrer de sa liberté et du bonheur de ses proches.

Aujourd'hui Ingrid est libre, Marina se laisse mourir en prison...

Ces dernières semaines, elle a fait plusieurs allers-retours entre la prison et l'hôpital psychiatrique Paul-Guiraud de Villejuif. Elle se trouve actuellement dans la section psychiatrique de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis tant le personnel carcéral de Fresnes craignait de ne pouvoir l'empêcher de commettre l'irréparable. Selon les experts, elle souffre d'une crise suicidaire majeure. Or selon la Convention de 1957, la seule en vertu de laquelle la procédure d'extradition de Marina Petrella est possible, « l’extradition pourra être refusée si la remise est susceptible d’avoir des conséquences d’une gravité exceptionnelle pour la personne réclamée, notamment en raison (…) de son état de santé. » Cette clause humanitaire est délibérément et cyniquement ignorée par le gouvernement français malgré la mobilisation qui s'est organisée depuis l'arrestation de Marina Petrella en août 2007, malgré la mobilisation qui grandit, sourde et gronde depuis que le Premier Ministre Fillon a signé son décret d'extradition en juin dernier.


Si vous tapez "Marina Petrella" sur Google, vous lirez de nombreux articles expliquant qu'elle est "en grève de la vie". « Ce n'est même pas une crise suicidaire, c'est une baisse de l'énergie vitale, explique sa fille aînée, Elisa. Elle boit un peu d'eau, le reste, elle s'en fout. On peut mourir de tristesse, vous savez. Je supporte parce que je n'y pense pas. On n'est pas des gens à se complaire là-dedans. » (1) Le 11 avril 2008, le médecin généraliste de l'UCSA de Fresnes la décrit dans un « état dépressif gravissime, douleur morale, idées de mort extrêmement prégnantes, angoisse avec vécu somatique, sensation d'avenir bouché, l'ensemble évoquant une crise suicidaire franche et très inquiétante ». Le 9 juin, un docteur ayant pu la voir décrit s'alarme : « Ne s'alimentant plus, elle perd 2 kilos de poids par semaine. Ne communiquant presque plus, elle s'enferme dans une solitude profondément dépressive. Son état ne l'intéresse plus. Elle n'est préoccupée que par l'avenir et le présent de ses deux filles et souffre de leur absence. »


Pourtant, François Mitterrand avait donné sa parole. En 1981, il avait accordé l'asile de fait aux militants poursuivis pour des faits de nature politique. En 1985, devant le 65ème Congrès de la Ligue des Droits de l'Homme, il avait déclaré : « Prenons le cas des Italiens, sur quelque trois cents qui ont participé à l'action terroriste en Italie depuis de nombreuses années, avant 1981, plus d'une centaine sont venus en France, ont rompu avec la machine infernale dans laquelle ils s'étaient engagés, le proclament, ont abordé une deuxième phase de leur propre vie, se sont insérés dans la société française, souvent s'y sont mariés, ont fondé une famille, trouvé un métier... J'ai dit au gouvernement italien que ces trois cents Italiens... étaient à l'abri de toute sanction par voie d'extradition... ».(2)

C'est exactement ce qui était arrivé à Marina Petrella, ex-membre des Brigades rouges, accusée d'avoir tué un commissaire de police et blessé son chauffeur, accusée d'avoir participé à l'assassinat du premier ministre italien Aldo Moro, accusée d'avoir séquestré un magistrat, accusée de vol avec arme et attentats. C'était les années 70 et c'était en Italie. C'était ce que l'on appelle "les années de plomb". Des centaines de personnes en Italie ont choisi les armes et la violence pour lutter contre le système, une guerre civile qui n'a jamais dit son nom s'est déroulée au rythme des attentats, d'une véritable guérilla urbaine entre 1968 et 1982.

Début des années 80, Marina Petrella fait 8 ans de prison, pendant lesquelles elle donne naissance, à sa fille aînée Elisa. Elle est libérée suite à l'expiration du délai maximum légal de détention préventive. En 1993, elle assiste à son procès à l'issue duquel elle est reconnue coupable et condamnée à la réclusion criminelle à perpétuité mais le mandat d'arrêt n'est jamais délivré et c'est libre qu'elle repart du tribunal. Sous le coup d'une incarcération peut-être imminente, Marina Petrella se réfugie avec sa fille en France, mais avertit les autorités françaises de sa présence sur le territoire. En 1998, la Préfecture de police de Paris lui délivre un titre de séjour de 10 ans.

La parole donnée par François Mitterrand a été respectée par 9 gouvernements successifs, années durant lesquels aucun des "réfugiés italiens" n'a enfreint les lois françaises, s'appliquant à se reconstruire, à construire une nouvelle vie dans le respect du contrat qui leur avait été proposé.

Marina Petrella s'est mariée, a eu une deuxième fille, Emmanuella, s'est installée dans la banlieue parisienne où elle a été femme de ménage a passé un CAP de jardinier puis a entamé une longue formation pour devenir assistante sociale, seul prolongement plausible de son engagement militant.

Le Président Sarkozy a affirmé, aujourd'hui 8 juillet, lors d'un point de presse en marge du sommet des pays du G8 au Japon que « La France, conformément aux accords européens que nous avons signés (...) et conformément aux décisions de justice françaises (...) extradera Madame Petrella. » Il pousse la lâcheté, le cynisme au choix, jusqu'à ajouter : « Mais j'ai demandé au Président du Conseil italien dans ce cas de solliciter du Président de la République italien sa grâce, compte tenu de l'ancienneté de la condamnation et compte tenu de la situation psychologique et de santé de Madame Petrella. Le Président du Conseil m'a fait valoir qu'il partageait mon analyse et qu'il interviendrait auprès du Président pour obtenir la grâce. » Jolie façon de se défausser d'une situation embarrassante, de ne pas prendre ses responsabilités et de laisser ce soin à d'autres tout en contentant son ami Berlusconi. Ce serait drôle si ce n'était pas si tragique. Surtout après avoir offert aux FARC ce qu'il refuse à Marina Petrella.

Démissionner de cette responsabilité humanitaire qui incombe au Président Sarkozy pour une femme emprisonnée aujourd'hui, en France, extrader Marina Petrella vers l'Italie ivre de vengeance, une Italie qui n'a toujours pas trouvé l'apaisement depuis les années de plomb, c'est hypothéquer l'honneur de la France.

Ce dont il faut avoir conscience, c'est que Marina Petrella, César Battisti, Paulo Persichetti mais aussi Joëlle Aubron et Nathalie Ménigon et des milliers d'autres, ne sont pas et ne seront jamais des coupables comme les autres. Il semble qu'il n'y ait pas de rémission permise pour les Brigades Rouges italiennes, Action Directe française, Fraction Armée Rouge allemande malgré la force et la rage que leurs membres pourront avoir à se repentir. Rapellons qu'en prison, Marina Petrella a accouché de sa fille menotée. Parce qu'elle n'était pas une détenue comme les autres. Ces armées rouges des années de plomb, en lutte armée et sanglante contre les pouvoirs, contre les Etats, contre le droit subissent une justice qui va au-delà d'elle-même lorsqu'elle s'applique à eux. Une justice exceptionnelle qui rend ses justiciables otages de leur passé, otages de leur propre vie.

Être en grève de la vie aujourd'hui pour Marina Petrella est la seule alternative que le gouvernement de Monsieur Sarkozy lui laisse. Être en grève de la vie pour elle, c'est ne plus être otage de sa propre vie.

Mobilisation pour Marina Petrella sur le site Parole donnée. Propositions de lettres à adresser au Président de la République française et au Premier Ministre pour exiger l'abrogation du décret d'extradition.

Un rassemblement est prévu jeudi 10 juillet 2008 à 18h30 sur le parvis de Beaubourg (métro Rambuteau).

(1)Le Monde daté du 1er juillet 2008
(2) Citation tirée du Monde daté du 7 avril 2004.


1 commentaire:

Anonyme a dit…

Je suis en effet d'avis de ne pas oublier tous les autres...