jeudi 30 octobre 2008

Les noms dits de Léopoldine



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Léopoldine est une ado qui souffre de porter un prénom que peu de gens connaissent ou reconnaissent. Elle a honte de dire comment elle s'appelle. Elle redoute la question. Elle trouve son prénom trop vieux, bizzare.

On lui a dit qu'elle l'aimerait plus tard mais « ça ne vient pas ». Même si elle reconnaît qu'elle n'aurait « pas supporté avoir un prénom que tout le monde a ».

Pourtant Léopoldine, c'est joli, c'est féminin. Et le diminutif, Léo, est charmant et mutin pour une ado. Mais Léo porte son prénom comme un fardeau.

Peut-être que si on lui donnait la possibilité d'en changer, elle se mettrait à l'aimer. Peut-être que la première fois qu'elle tombera amoureuse, et que son amoureux n'aura aucun problème à l'appeler par son prénom si doux, si féminin, peut-être que cela ne lui posera plus de problème. Peut-être que ses parents (je ne sais pas pourquoi, mais j'ai plutôt l'impression que c'est sa mère) admiraient Victor Hugo et ont donné à leur enfant le prénom de sa fille aînée, tant aimée.

Il est tout à fait compréhensible de détester son prénom, surtout à 14 ans où l'on déteste se singulariser, où l'on souhaiterait ne pas être la personne sur qui se posent tous les regards avec étonnement et incompréhension, où l'on se pose en contre en quasi permanence. Il est compréhensible de ne pas adhérer à son propre prénom, même s'il a été choisi avec amour et qui est sûrement lourd de sens pour les parents, lorsque l'on n'est pas attaché à l'histoire de son choix, lorsque l'on a négligé de vous en expliquer la démarche.

Il y a des préonoms, par contre, trop lourds, trop chargés, trop symboliques, qui vous accablent, vous encombrent, vous écrasent, vous obstruent le chemin. Des prénoms d'aïeux avec qui on ne se sent que peu d'affinité. Encore une fois, certainement, parce que la démarche a été mal expliquée.

Par chance pour Léopoldine, la tendance est aux prénoms anciens. Le problème c'est que ses parents avaient au moins 10 ans d'avance. Aujourd'hui, la plupart d'entre eux cherchent à se démarquer d'une mode anglo-saxonne et reviennent à des prénoms anciens, qui sentent le terroir, la tradition, la famille. Autour de moi il y a des Léon, des Philomène, des Théophile...

J'ai, par ailleurs, un ami qui réfute totalement cette théorie et qui m'affirme que c'est l'enfant qui doit faire le prénom. Un prénom qui n'a pas de signification lourde, qui n'a pas d'histoire, qui n'est légué par rien dans le passé et qui n'a été choisi que pour la beauté des sons qui le forment, est une chance pour l'enfant de s'affirmer seul, de s'autodéterminer en quelque sorte. C'est pourquoi cet ami donnera à ses enfants des prénoms d'elfes, aux consonnances aériennes, empreintes de mystère. Il adhère au concept du prénom inventé, de prénom "unique". Un prénom unique pour une personne unique. A eux de percer seuls le mystère de leur prénom ou de lui fonder sa "mythologie". « Ça m'a toujours choqué que des tonnes de gens aient le même prénom, c'est bizarre. Ça fait comme une "étiquette" sans personnalité. T'es un "Julien" ou un "Richard" ou une "Séverine". Ça veut dire quoi finalement si 15 000 personnes ont les mêmes noms ? Rien, c'est triste. Alors que si tu t'appelles Lauraliane ou Ormeriel ou Cenariel ou whatever, c'est "toi" et personne d'autre. Je ne suis pas mécontent de mon prénom pour ca, même s'il se démocratise un peu. Jordane pour un garçon c'est rare, surtout avec un E à la fin. » Pourquoi pas ? Tout est possible à condition que cela soit fait avec conviction et amour.

Evidemment, cela n'est que son avis. Pour info, et pour ne vexer personne :

Julien signifie latin, origine latine donc.
Richard signifie puissant, origine germanique.
Séverine signifie sérieuse, origine latine.

Du peu que j'en sais, il me semble que dans certaines cultures, on ne prénomme le nouveau-né que quelques jours, quelques semaines, voir quelques années après sa naissance. Le temps de cerner le caractère de l'enfant et de lui attribuer un prénom qui lui convienne. Je crois même me souvenir que dans certaines sociétés, l'enfant se voit affublé d'un prénom intermédiaire et ne "gagnera" son prénom définitif qu'à l'adolescence ou à l'âge adulte. Chez les Indiens d'Amérique, je crois. Toujours dans ces sociétés traditionnelles, on ne prononce pas le prénom de l'enfant avant sa naissance, de peur que les esprits malfaisants ne portent son choix sur lui. Et selon Wikipédia, il existe des sociétés où dévoiler son prénom peut-être vécu comme une faiblesse, tant il est rattaché à l'intime, tant il est constitutif de la personnalité de celui qui le porte. Toutes ces traditions ne sont pas anodines, et ne cessent de me parler.

Or, si on pousse la théorie de Jordane jusqu'au bout, « on devrait choisir son prénom soi-même et à l'âge adulte. » Mais Jordane reconnaît être « un extrêmiste de la "personnalité", de l'anti-destin, et de la volonté. »

Il ne faut pas négliger la force d'un prénom, ce qu'il signifie et pourquoi ses parents l'ont choisi. Il vaut mieux même chercher à le savoir. Savoir le pourquoi des choses, comprendre d'où l'on vient, de quel désir on est fait, peut aider à savoir où l'on va. Ce n'est qu'une théorie bien sûr, mais si on sait écouter les signes, décoder les paroles qui en cachent d'autres, lire dans les âmes, on peut s'appuyer sur ce legs précieux qu'est un prénom, on peut choisir de l'éradiquer et s'en choisir un autre, sur internet, dans son cercle d'amis. Quelque soit la façon dont on le reçoit et la façon dont on le vit, on peut en faire une base pour y puiser sa force.

Et vous ? Savez-vous pourquoi vous portez votre prénom ?

4 commentaires:

Anonyme a dit…

A lire "la psychologie des prénoms" de Nicolas Guéguen. Génial !

Unknown a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
La valse a dit…

je le publierais bien sur epidemik...je l'aime bien ce billet ;)

Angelina a dit…

Avec plaisir Epidemik !