mercredi 28 mai 2008

Sean Penn Président

Les projecteurs se sont éteints, le tapis rouge a été roulé et remisé dans la housse qui lui est dédiée, les portières des limousines en partance pour l'aéroport de Nice ont fini de claquer les unes après les autres. Fin de la séance. Ce matin, un petit vent parcourt la Croisette et rapporte une fraîcheur oubliée depuis 10 jours d'un festival presque forcé, qui revient chaque année comme la mauvaise répétition d'une générale qui n'arrive pas. Chaque année, les mêmes milliers de pieds en chaussures vernies qui courent d'un point à un autre, chaque année les mêmes centaines de pieds en talons aiguilles qui s'arrêtent devant les chaussures vernies, le temps de prendre la pause, le temps de prendre LA photo qui restera : Angelina Jolie, sa robe vert pomme et ses jumeaux. Brad Pitt, les cheveux trop courts. Madonna et Sharon Stone, indécrochables. Tant d'autres que nous avons déjà oubliés...


Après ce délire cannesque qui se voulait un hommage à Cinéma, Cinémas, pas trop réussi ma foi, que reste-t-il de la folle quinzaine, soixante-et-unième édition ? Une palme de folie pour un réalisateur français toujours au coeur de l'humain (Ressources Humaines, L'emploi du temps, Vers le Sud). Une critique molle, fatiguée, consensuelle, dont la seule étincelle aura été de réserver un accueil mitigé, c'est-à-dire entre applaudissements et sifflets, au film de Philippe Garrel. La tradition est respectée in extremis.

Mais la plus grande attraction de ce festival fut incontestablement son président, totally borderline. Selon les journalistes américains, le président a été out of law en allumant deux cigarettes pendant la conférence de presse et utilisant à plusieurs reprise le mot "fuck". Lorsque l'un d'eux lui a demandé s'il avait hésité à accepter de devenir président du jury à cause de l'obligation de rester "wise and sober" pendant 10 jours, il a répondu : "Combien de jours me restent-ils ?"

Sean Penn, c'est un Américain comme on voudrait qu'ils soient tous. Ouvert, combattant pour la justice, conscient du monde, militant pour les hommes.

"Je n'en revenais pas qu'aujourd'hui on veuille confier cette responsabilité à un Américain, quel qu'il soit ! Je suis toutefois gêné par l'idée de compétition, et je voudrais reprendre à mon compte cette phrase de David Lynch quand il avait présidé le jury : "Nous n'allons pas choisir les films, ce sont eux qui vont nous choisir."

Tellement politically correct sous certains aspects qu'il en deviendrait presque suspect. Depuis 2002 et le début de la guerre en Irak, Sean Penn milite contre le gouvernement de W avec un rare acharnement pour un acteur, qui plus est pour un acteur au passé turbulent qui a souvent joué le rôle du bad boy de la coulisse hollywoodienne. En 2002, il a écrit une lettre ouverte au Président Bush dans laquelle il l'implore : "L'Histoire vous a offert un tel destin. Encore une fois, Monsieur, je vous supplie, contribuez à sauver l'Amérique avant que (votre histoire) ne se transforme en un testament de honte et d'horreur. Ne détruisez pas l'avenir de nos enfants. Nous serons à vos côtés."
En décembre 2002, il passe trois jours en Irak au cours desquels il visite l'Hôpital des enfants de Bagdad. " J'ai entrepris ce voyage pour mémoriser les visages des Irakiens, et faire en sorte que leur sang, et celui des soldats américains, ne demeure pas invisible sur mes mains."

Quatre ans et demi plus tard, une nouvelle lettre, rageuse, pleine de colère. "You have broken our country and our hearts", lance-t-il à Bush, Cheney et Condoleezza Rice. "Vous, Messieurs Bush et Cheney ; vous, Madame Rice, êtes des personnes criminellement et odieusement obsènes, d'obsènes êtres humains, incompétents (...), tout en étant tragiquement négligents et destruisant les nôtres et notre pays."


Ce président avait prévenu , la palme d'or irait à un film politique. "Le tremblement de terre en Chine va influencer mon jugement sur tous les films. De même ce qui se passe en Birmanie... Quelle que soit la palme d’or [...] , il faudra que le réalisateur de ce film se soit révélé très conscient du monde qui l’entoure."

A la vue du palmarès aujourd'hui, il est bon de se redemander ce que recouvre le mot "politique". A la lumière dorée de cette palme, il bon de redéfinir les contours de ce mot. Entre les murs est l'adaptation d'un livre de François Bégaudeau, qui relate le face-à-face quotidien d'un prof de français avec les élèves d'une classe de 4ème dans un collège difficile, à l'âge où la conscience de soi, du monde commencent à se façonner. "Politique" pour Sean Penn, c'est d'abord le quotidien, le gens ordinaires et, pour ce père de deux ados, ce sont nos jeunes.


vu dans la newsletter de Télérama


On attendait que s'exprime sa haine de la guerre, notamment à travers une récompense pour le film de l’ancien soldat israélien Ari Folman, Valse avec Bashir, qu'on dit superbe. Un film d'animation introspectif sur le massacre des camps de Sabra et Chatila en 1982. Grand favori, le film est reparti bredouille.


On l'a guetté du coin de l'oeil après les 4h28 de projection de Che de Steven Soderbergh. Benicio Del Toro, le Che incarné, repart avec le prix d'interprétation masculine.

On l'a senti ému et fier lorsque fut distingué par la caméra d'or un réalisateur nommé Steve Mc Queen, pour Hunger qui relate le combat de Bobby Sands et de ses compagnons militants de l'IRA pour être reconnus prisonniers politiques.

On ne sait pas ce qu'il a pensé de C’est dur d’être aimé par des cons, le film de Daniel Leconte sur le procès des caricatures. Mais Michael Moore était là.

Quant à Gomorra, le film italien qui traite de la Camorra, son réalisateur, Matteo Garrone, repart avec le prix du jury.

Tant de raisons encore d'exprimer sa colère, sa conscience du monde à grande échelle. Wong-Kar-Waï fait se lever les spectateurs avant la projection de son film pour une minute de silence à la mémoire des victimes des "forces de la nature". Elle en durera trois. Catherine Deneuve embarquée à travers un Liban à nouveau dévasté par les bombes, par Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, dans le film Je veux voir où elle joue son propre rôle.


"Ça commence aujourd'hui" disait un film de Bertrand Tavernier, et "ça commence ici" semble souligner Sean Penn. C'est lorsque le savoir, l'éducation parviennent sans entrave à ceux qui sont en droit de les recevoir, que commence la politique. C'est lorsque la civilité l'emporte sur la barbarie, lorsque l'encadrement et l'accompagnement défient la théorie qu'il doit y avoir des laissés pour compte, que la politique se met en marche.

"Il n'y a aucune difficulté à être en opposition avec la politique suivie par Bush et c'est même honteux d'appliquer le nom de politique à son action," disait encore Sean Penn.

mardi 27 mai 2008

Seule dans les nuages

Journée molle, affadie de pluie. Désespérance légère, ennui certain, solitude profonde avec les gens. Envie de me remonter le moral tout doucement.

Pour fêter la pluie...



A demain, toi que j'aime.

jeudi 22 mai 2008

Keny Arkana ou l’urgence de désobéir

Elle a l’air toute frêle, toute mince, toute petite. Elle pourrait être ma petite soeur, ta soeur, ma copine. On a plutôt envie de la protéger. Vêtements de sport, bandanas façon rappeurs, si tu t’y frottes tu risques d’être piqué. Voir, écouter, découvrir Keny Arkana chanter, c’est se prendre une grosse baffe, c’est ne plus pouvoir détacher son regard de cette étrange jeune fille, c’est prendre le risque d’entendre ses mots, de se laisser pénétrer par son phrasé vindicatif, qui t’interpelle, qui t’appelle, qui va faire bouillir ton sang. Tout ça dans ce corps frêle.

Avant de devenir une altermondialiste convaincue, Keny Arkana s’est heurtée au monde. Enfant fugueuse, cloîtrée de foyer en foyer, elle se barre au propre comme au figuré grâce à ses mots. Son premier album s’appellera à bon escient « Entre ciment et belle étoile ». A 13 ans, elle se produit devant ses camarades. Un directeur de foyer lui dit qu’elle n’a pas d’avenir, elle lui répondra par la chanson « Eh connard ».

Une dizaine d’années plus tard, son chant est un acte politique, son flow rageur une démarche militante, une façon de ne pas se laisser endormir par un système qu’elle dénonce sans relâche. Cette marseillaise d’origine argentine, âgée de 24 ans, n’a pas froid aux yeux et ne s’en laisse pas compter facilement. Elle évolue dans un milieu presque exclusivement masculin, chante à la manière d’un rappeur. Elle est le pendant anti-commercial de Diam’s, en refusant de participer à sa propre starification, et battit sa carrière sur ses propres ressources. Aucune télé, peu d’interviews, peu de fréquentation des médias à qui elle reproche la récupération et la commercialisation du rap. Elle doit son succès à la scène, qu’elle a investie dès le plus jeune âge, et grâce à internet. Elle s’est néanmoins produite lors de la remise du prix Constantin en 2007 pour l’interprétation de « Nettoyage au Karcher ». Ses compagnons de scène faisaient mine de karcherirser un type portant le masque de Sarkozy. « N’ayez pas peur de vos quartiers / Ouvrez les yeux sur ce qui déroule / Peuple avec ou sans papier / Qu’attends-tu pour te mettre debout ».

Elle chante des titres aussi évocateurs que « Réveillez-vous », « La rage », « La haine du Front » en réponse à un militant du FN qui avait détourné l’une de ses chansons. Aujourd’hui, Keny Arkana ne se contente pas d’enregistrer des albums, elle est à la tête d’une association « L’appel aux Sans-Voix » qui organise des forums dans toute la France. L’occasion de réfléchir encore, d’apprendre toujours, des autres, de se mobiliser au-delà du rap, d’initier son public à l’altermondialisation et non l’antimondialisation, souligne-t-elle. Elle voyage en Afrique, en Amérique du Sud où elle a rencontré le Sous-commandant Marcos, elle chante devant les centres de rétention pour protester contre la politique du chiffre (Vincennes, le 4 mai dernier). Keny Arkana vient de sortir son troisième album intitulé Désobeissance.

« Ce sont, selon moi, ceux qui veulent croire que le système actuel est tenable qui sont dans l’illusion, le dogme et l’utopie. Je pense avoir comme beaucoup d’entre nous la conscience aiguë de l’urgence dans laquelle nous sommes si on pense encore pouvoir sauver les hommes et cette planète. Car je sais aussi que j’appartiens à la dernière génération qui peut encore espérer inverser la tendance avant qu’il ne soit trop tard. »

Keny Arkana n’est pas pour la révolte. Elle est pour la révolution. Et elle se demande ce qu’on attend pour se mettre debout.

mardi 20 mai 2008

La fausse bonne idée

Christine Anglio, Corinne Puget et Juliette Arnaud


© Wild Bunch Distribution
Galerie complète sur AlloCiné

Prenez une fille sympa, la trentaine pétillante, qui rencontre quelques difficultés pour se trouver un mec, comme il se doit. Mais... qui a deux copines également sympas, également célibataires, qui l'entraînent pour faire du shopping et se bourrer la gueule. Prenez un quiproquo à la Marivaux : pour épater ses conn*sses de collègues, elle prétend s'envoyer le patron de la boîte de pub dans laquelle elle travaille. Enfin prenez une poignée d'acteurs au jeu enlevé, qui se donnent sans compter pour cette comédie délibérément légère, et vous aurez le prototype de la fausse bonne idée.

La fausse bonne idée, c'est une idée un peu éculée et surtout mal exploitée, avec des répliques qui se veulent spirituelles, mais dont le fond est tellement lourd et convenu, que la rigolade tombe à plat. Je ne reconnais pas Alexandre Arcady,  le réalisateur doux-amer du Coup de Sirocco, du Grand Pardon, de Là-bas, mon pays. Après avoir vu Tu peux garder un secret ?, j'en conclus que le vaudeville n'est pas son truc.

Pourtant ce n'était pas faute d'avoir essayé. 

1/ Le triomphal trio de Arrête de pleurer Pénélope, pièce de théâtre à succès, emmené par une Juliette Arnaud qui n'est pas sans rappeler la très belle Alexandra Lamy.

2/ Des acteurs généreux de leur personne, qui veulent prendre du plaisir à participer : Agnès Soral qui manque de grain à moudre, Laurence Boccolini qui recycle avec bonheur le sadisme qu'on lui connaissait dans le Maillon Faible, Pierre Arditi en super patron super séducteur et finalement super blasé, Linda Hardy dans le rôle de Bagheera...

Mais quel est le petit chose qui manque, ou le petit truc en trop qui fait que la comédie, disons la farce assumée, tourne souvent à la bouffonnerie et qu'en plus c'est limite pas drôle ? J'aurais tendance à dire un scénario mal maîtrisé, une idée de départ dont on ne sait pas quoi faire sans tomber dans le téléphoné, le grotesque et l'outrance à presque tous les étages. 

C'est méchant ? Non, c'est vrai. Il y a néanmoins quelques moments à sauver : la scène du jogging où Delphine raconte à ses copines la panade dans laquelle elle s'est mise, la scène de l'araignée avec la complicité de Michael Youn, celle de la fausse interview de la rédac' chef d'Isa, l'élaboration du plan P entre copines...

Sans parler de ce happy end honteux. C'est mignon mais on se demande bien ce qu'on fait là à regarder cette histoire qui au final n'a aucun intérêt, vu comment elle a été traitée avec mépris par les scénaristes, par le réalisateur et par une partie de la critique condescendante. 

Tout ce qu'on a envie de dire en sortant, c'est un grand "Dommage !"

ps : Merci à ma Véro qui m'a traînée voir ce film. J'ai passé une super soirée avec toi.

vendredi 16 mai 2008

Kalinka

Espèce d'enfant de salaud
Fils de putain et fils de chien
Je n'irais pas trouer ta peau
Je te laisse ton scalp et tes os
Ne crains pas de balles dans ton dos

En voilà une chanson d'amour qui commence bien. Tout cela susurré avec candeur. Avec sa voix de soie, Berry peut faire trembler la clique des folkeuses françaises du moment qu'elle dépasse d'une bonne tête. Sur scène, un homme à la guitare, une fille au chant et son joli minois. Rien de plus. Et des ballades, des chansons entraînantes aux rythmes chaloupés. Pas d'artifice. Une belle humilité et un grand talent.


Berry Mademoiselle acoustique
envoyé par madmoiZelle

Berry a rejoint la tournée de Daniel Darc depuis le 15 avril dont elle fait la première partie. Avec brio, avec suavité, elle embarque ce public sur sa planète, toute de féminité et d'émotion, sans frou-frou, sans tralala. Avec ses chansons légères comme des bulles de savon qui s'élèvent dans l'air, la salle chavire parfois dans la douleur, glisse du ravissement au drame sans que rien ne l'ai laissé présager.

Moi, je me suis laissée prendre au piège. Son album s'appelle Mademoiselle.

Le temps de la tournée, Berry et Daniel Darc partagent un blog. Pour retrouver les petits films de Berry et la verve de Daniel Darc.

mardi 13 mai 2008

Alone in the Darc


La voiture se gare doucement sur le parking. Le temps d'un coup de fil, quelques éclats de rire et des trombes de pluie se mettent à dégringoler du ciel. Temps froid et orageux dans le gris ombré de soir devant l'Omnibus.

LA salle rock de Saint-Malo fête ses 5 ans ce soir. Mais moi je ne suis que de passage. L'Omnibus, avant hier, je ne connaissais pas. Hier, j'ai vu le visage torturé de Daniel Darc sur une affiche, en voiture, en tournant la tête par hasard.

Ni la drogue, ni la prison, ni la solitude n'auront empêché Daniel Darc de chanter, d'être sur scène, d'écrire encore... cette poésie aux accents lugubres, tant de douceur, d'affleurements, de rage ténue. D'abord sobrement vêtu d'une veste noir, il laisse bientôt apparaître les tatouages qui lui habillent les bras. Comme il a changé, comme il a l'air chétif et approximatif entre les chansons, certainement à la faveur de quelques bières. En plus, il a le mauvais réflexe de parler sur les applaudissements destinés à la chanson précédente. Qu'importe. C'est Daniel Darc. L'homme a la poésie intacte, un peu crade. Le frémissement est là, plus juste qu'avant, parce qu'entretemps, il y a eu la vie.

Les titres phares des deux derniers albums s'égrennent les un après les autres. Avec un plaisir malin et érudit, il glisse des références aux Doors, dont il inclut des pans de chansons entiers dans les siennes, à Janis Joplin, aux Rolling Stones, à Chet Baker. Avant de chanter J'irai au Paradis, il explique que lui appelait cette chanson J'ai creusé un trou. J'avoue, je n'ai toujours pas acheté Amours suprêmes, mais ce soir, je les ai bien écoutées, ça vaut autant de le découvrir sur scène. Puis, une version rock de Nijinsky est arrivée. Sublime. Avant de reprendre N'importe quel Soir de Taxi Girl, il raconte qu'il a écrit cette chanson avec un Afghan qui a produit Magma... ou alors j'ai rien compris.

Il est tendre, il est glissant, il est brumeux, il n'est jamais meilleur que lorsque le rock s'empare de lui, soutenu par une fameuse bande de morveux qui ont le lait qui leur sort encore du nez.

Il revient pour une reprise endiablée de Cherchez le Garçon. Deuxième rappel, il se pose, il s'installe, il murmure, il caresse, il pleure. Et moi qui suis descendue des gradins, qui m'approche et qui m'approche, comme attirée par cette lumière rouge, qui m'approche avec le portable puisqu'on m'a confisqué mon appareil photo, qui m'approche pour le voler, c'est le moment où il ouvre ses yeux dans les miens. Interminable instant, il ne cille pas, il me regarde et je sens que je ne vais pas tenir très longtemps à le regarder aussi intensément, mais je soutiens. Jusqu'à ce que, ouf, ses paupières se baissent... 

...Bon, je mens, ça ne s'est pas tout à fait passé comme ça. Mais je ne suis pas obligée de dire toute la vérité non plus.

De son propre aveu, le concert n'était pas terrible. Du mien, ça a suffit à mettre le feu. Un Daniel Darc un peu alcoolo, pas très en phase, un peu au large, toujours plus rock qu'en vinyl ou en cd, c'est toujours un pied dans la flaque et des éclaboussures plein la tête. Ce sont des chansons susurrées avec amour, avec douceur, c'est sa voix d'adolescent qui ne vieillit pas.

J'avais peur d'être déçue, car oui j'étais amoureuse de Daniel Darc quand j'étais ado, bien qu'il fût fou. En sortant, je me suis rendue compte que je l'aime encore.

lundi 12 mai 2008

La Graine et le Mulet

Ce film a déjà été tellement commenté, tellement loué, tellement décortiqué, que je n'aurai rien d'original à ajouter. Je me contente d'opiner du chef, de faire "hum-hum" d'un air approbateur, et d'applaudir ce merveilleux film qui parle de vie, d'envie, de survie, avec simplicité et générosité, avec une humanité qui vous étreint, avec le sens du récit et de l'histoire, une histoire qui a la dimension d'un conte oriental.

Je voulais aller le voir à sa sortie, parce que c'était Abdellatif Kechiche, le réalisateur multi-césarisé, parce que l'histoire traitait d'un sujet humaniste et universel, parce qu'il y avait du soleil dedans. Et puis je l'ai laissé passer. Deuxième vie grâce aux Césars, il repasse et cette fois, j'y cours.

La graine et le mulet, c'est d'abord une métaphore pour le couscous au poisson de l'ex-femme de Slimane, enjeu d'un terrible suspense à la fin du film. C'est aussi un jeu de mot subtil pour évoquer les trois générations de l'immigration maghrébine en France.

On pourrait facilement assimiler Kechiche à un Ken Loach français : il traite d'un sujet humaniste et social avec générosité. Slimane perd son emploi sur les docks de Sète. Au lieu de pouvoir travailler plus pour gagner plus, il s'est vu imposer des horaires décalés et surtout son temps de travail réduit selon les fluctuations économiques, du marché, les caprices de la croissance. Refusant de retourner au bled, comme le lui conseillent ses fils, il récupère un vieux rafiot à désosser pour le transformer en restaurant. Avec l'aide d'une famille solidaire mais peu soudée, avec l'aide de sa belle-fille, la jeune et jolie Rhym, qui l'aide dans ses démarches, Slimane tente de mener son projet à bien.

Le seul hic que j'aurais à émettre concernant La Graine et le Mulet, c'est la caricature un peu grossière de la bourgeoisie sétoise. Le jeu de ping-pong entre les différentes administrations pour obtenir le permis d'ouvrir le restaurant est bien vu et je ne doute pas que les réactions qu'on leur voit lorsqu'ils sont à table ne sont pas vraisemblables. Il est dommage que l'ensemble donne une impression de too much. A côté de cela, le directeur qui licencie Slimane au début est filmé avec une telle justesse et une telle humanité...

Le film est long, mais on ne s'ennuie pas une minute. Le réalisateur capture le quotidien et nous avec. Le film se termine par une longue séquence alternée entre une danse du ventre enivrante et la course désespérée de Slimane. A la différence de Salomé, Rhym danse pour sauver la tête de son beau-père.

Epoustouflante Hafsia Herzi, merveilleusement belle, sensuelle (elle a grossi de 15 kg pour le rôle) aussi volontaire que son rôle (elle a menti le jour du casting en disant qu'elle savait danser la danse du ventre). Elle resplendit dans chacune des scènes où elle apparaît. Celle où elle essaie de convaincre sa mère de se rendre à la fête est un joyau de malignité enfantine, de ruse féminine, de désarroi, de tristesse, de solitude.

On a cité à propos d'Abdellatif Kechiche Renoir, Pagnol, Pialat même à cause de la façon qu'il a de laisser les scènes s'étirer afin de filmer l'essence de la vie. Il serait peut-être temps de reconnaître que Kechiche a surtout et d'abord son propre style, qui fait mouche à chaque fois depuis La faute à Voltaire.

PS : gros bisous à Soussou si elle passe par là...

Une belle critique pour en savoir plus.

dimanche 4 mai 2008

Et dire que pendant ce temps, il y en a qui travaillent...

Si vous êtes un lecteur passionné assidu, vous aurez remarqué que ce blog est resté en latence quelques jours... le temps d'une escapade à Saint-Malo et sous la pluie. Un petit truc météorologique pour survivre à Saint-Malo : quand on ne voit pas le cap Fréhel, c'est qu'il pleut ; quand on le voit, c'est qu'il va pleuvoir.

Reportage photographique parfumé aux embruns chargés de sel aux environs et au coeur de la cité de Chateaubriand, Surcouf et David G.



Ici les pavés luisent sous la pluie, la ville historique s'appelle "intra muros", on n'a pas assez de doigts (de mains et de pieds) pour dénombrer les crêperies d'un bout à l'autre d'une rue, le périph' local s'appelle "la pénétrante", les nuages remplis d'eau roulent sur eux-mêmes, Chateaubriand est enterré debout face à la mer, etc etc... autant de particularités qui font le charme si spécial de cette cité bretonne.





La soupe à l'oignon n'est pas réellement une spécialité locale. Il faut plutôt tendre vers la soupe au poisson qui est très bonne même si ça sonne un peu provençal. Ce jour-là, en l'occurence, j'avais froid et cette brasserie ne proposait que la soupe à l'oignon. Et en plus, je n'ai eu l'idée de photographier mon plat qu'à mi-course de sa liquidation totale.
Le Belem est une fierté de l'histoire de la navigation française. Construit en 1896 à Nantes, ce trois-mâts continue de naviguer aujourd'hui. Je l'ai aperçu dans le port de Saint-Malo, le jour où j'ai pris ce bateau derrière la brume. Je pense que c'est lui qui semble flotter tel un hollandais volant, derrière les rochers.



L'aquarium de Saint-Malo. L'entrée est chère (plus de 15 €). Ce serait dommage de rater : les requins et les tortues de mer, les adorables méduses et les hippocampes. Par contre, oubliez la ballade en sous-marin, ça n'a réellement pas beaucoup d'intérêt.



Dinard. Sa plage immense, bien différente de celle déchirée par les rochers de Saint-Malo, et ses superbes villas.



Toujours Dinard. Après la pluie et le soleil, un arc-en-ciel s'était posé sur la plage. Je n'ai pas réussi à prendre ces deux personnes lorsqu'elles s'embrassaient, je crois. Et l'homme et son chien me faisaient penser à "Un homme et une femme", c'est bête une fille des fois.



Le bateau s'appelle le Tenacious.
Pour ce qui est de Dinan, mon appareil est tombé en rade le jour de mon passage, d'où cette unique et énigmatique photo.



Back to Saint-Malo. La baie de Saint-Malo est surnommée la côte d'émeraude. On dit qu'une princesse celte avait perdu sa bague dans l'eau, ce qui a donné cette couleur à la mer.



La plage du Môle et la plage de Bon Secours.



La pointe du Groin, autant dire le bout de l'hexagone.



Toujours.



Et encore.



Ville fortifiée.



L'ile de Cézembre, bien sombre vue de ce côté, autrement appelée "l'île maudite". Elle est entièrement minée depuis la seconde guerre mondiale. Seule la plage est accessible aux baigneurs. En ce moment, elle est complètement interdite car en cours de déminage.



Le phare du jardin n°2 se nomme ainsi parce que jadis (au Moyen-Âge), l'étendue qui le sépare de Saint-Malo était de vastes champs cultivables et aussi parce que c'est le 2ème après la destruction du 1er.
La présence de nombreux blockhaus fait presque partie de la culture des villes des côtes. En voici un près du mémorial 39-45 de la cité d'Alet, rendu impressionnant par les impacts des obus qui ont déformé la fonte.



D'autres news et bonnes adresses à Saint-Malo dans la prochaine newsletter.

samedi 3 mai 2008

Les endives au jambon

Retour aux fourneaux... En attendant la quiche (et un appareil photo chargé sous la main), voici un autre classique simple, peu cher et délicieux : les endives au jambon, avec en exclusivité ma recette de la béchamelle.


Préparation : 15 mn
Cuisson : 15 mn

Pour 4 personnes

- 4 endives
- 4 tranches de jambon
- du lait
- du beurre
- de la farine
- du sel
- du poivre
- de la noix de muscade rapée
- du fromage rapé


Faire cuire les endives à la vapeur pendant 5 minutes. Une fois cuites, essayer de les égoutter au maximum, voire de les presser un peu sans se brûler car elles risquent de rendre de l'eau pendant la cuisson. Enrouler chaque endive dans une tranche de jambon.



Et maintenant la béchamelle. La béchamelle est une étape importante et délicate de la recette. Il faut qu'elle soit ferme sans l'être trop et surtout ne pas être trop liquide. Bref, elle doit avoir la bonne consistance. La bonne consistance s'obtient en fonction de la vigueur que vous mettrez à la faire épaissir, du bon dosage entre le lait et la farine et du temps de cuisson. C'est une opération tellement subtile qu'elle peut aussi bien dépendre de la qualité des ingrédients utilisés, de la chaleur de la cuisson mais aussi de l'humeur de la cuisinière....



Faire fondre entre 30 et 35 g de beurre dans une casserole. Une fois le beurre fondu, y ajouter une belle poignée de farine. Faire chauffer à feu doux en remuant doucement pendant quelques minutes. Puis très doucement, verser le lait chaud tout en remuant vigoureusement au fouet. Il est très important que le lait soit chaud. Verser du lait froid ne ferait que comprommettre la réussite de la béchamelle. Remuer, remuer, remuer, jusqu'à ce que ça épaississe. Si ça épaissit trop vite, ne pas hésiter à rajouter du lait. Goûtez pour juger de la consistance de la béchamelle. Saler, poivrer et ajouter quelques généreuses râpures de noix de muscade.

Verser la béchamelle sur les endives au jambon. Recouvrir le tout d'une bonne couche de fromage râpé. Enfourner à 180° et laisser dorer le fromage entre 10 et 20 minutes, cela dépend de la hauteur du plat dans le four (cqfd).

Comme je le disais... un délice.