jeudi 17 février 2011

Boucherie, charcuterie, volailles. Chez F. Pimporeau, Biyuls-sur-Aisne from Grégory H

© boklm

Il s'abat dans un bruit sec cadencé, découpant les chairs et les os inanimés pour les rendre présentables et comestibles. Puis saturé de sang après avoir attendu patiemment dans son étrier l'occasion de se souiller, il regagne son encoche, arrogant, comme fier du désir assouvi. Lui, le hachoir, fait du même métal argenté que les esses et la lourde balance à aiguille posée en évidence sur le comptoir, est le symbole de l'endroit : ces boucheries datées d'une autre époque parce que conservées à l'identique depuis peut-être un demi-siècle, dont le numéro de téléphone inscrit sur le store extérieur en toile est irréel : un, deux, trois, j'irai dans les foies. Les coeurs et les côtes aussi.

L'éclairage est encore un vieux néon qui confère au lieu son décalage temporel. Bouquet de fleurs rouge sang dans la vitrine, tabliers blancs suspendus aux murs, deux énormes portes de frigo marron : autant de signes incontournables des métiers de sang. Chez F. Pimporeau, on ne cache rien. Paillasse blanchie par les incessants récurages, viande flamboyante rangée militairement, aucun désordre dans la boutique. Ici pas de mouche, surtout pas de sciure, pas de sang superflu. Une vie consacrée à l'assiette du client. 

Madame Pimporeau, car il  n'est pas concevable que ce ne soit madame Pimporeau, est à la caisse. Même attitude de rigueur, même austérité, même tenue bien mise dont le tablier, à petits carreaux bleus celui-là, est l'apparat suprême. On ne peut imaginer ne pas être accueilli par toutes les formules de politesse du commerce, on pense déjà connaître ce couple qu'on devine sans fantaisie et sans dialogue. Dans la vitrine, aux premières loges, deux demi-gigots d'agneau, identiques au point de rappeler le jeu des sept erreurs, offrent leur croupion et leurs cuisses aux passants, soumis, pattes écartées, dans la position exacte dite de la levrette. Ne leur manquent que bas résilles et talons. Aurait-on mal évalué le couple qui devient, de fait, sympathique ?

Grégory H
in: La part du fabulateur

Aucun commentaire: