mardi 15 février 2011

Tu ne frapperas point mon fils !

« Frapper n'est pas aimer », ce pourrait être le début d’une comptine, ou la règle d’un jeu que l’on répète à l’envi dans les cours de récré. Pour le moment, ce n’est encore que le titre du livre de Natacha Henry. Non frapper n’est pas aimer, et c’est dès le plus jeune âge qu’il faudrait apprendre cette maxime pour que cette jeune femme ne s’entende pas dire au téléphone : « je vais te dégommer, tu vas voir... », pour que cette maman n’ait pas de bleus sur les bras, pour que cette voisine ne reçoive pas une chaise au visage pour avoir fait déteindre une chemise au lavage ou que cette autre n’ait pas la tête cognée contre le mur pour avoir épluché les pommes de terre trop épais. Une violence qui saisit bien souvent ses victimes, les « sidère », les immobilise et les emprisonne dans leur corps meurtri, dans leur tête et leur amour propre blessé, dans leur vie sociale. « J'ai voulu démonter le système qui fait qu’une femme ne sait pas comment partir, expliquer qu'il est très difficile de changer de situation, de changer de vie, quand on a des enfants. C'est dangereux ! » Effectivement, en France, une femme en meurt tous les deux jours et demi.

L’auteure analyse d’une façon très vivante les mécanismes de cette violence. « Mon propos est de dénoncer l'installation d'une dictature,» explique Natacha Henry. « Car pour moi, c'est une dictature. Ça se passe comme une dans une dictature. On fait croire à la victime qu'elle est complètement folle, on la rend complètement folle. On l'isole de toute relation sociale, on la confine, on traque absolument toutes ses relations, toute sa correspondance, on surveille ses mouvements, on entrave sa liberté de circuler, de penser, de s'exprimer. Et de temps en temps, on exerce une intimidation par la force physique qui peut aller jusqu'à la torture. » Elle dénonce aussi les mécanismes au sein de notre société qui permettent à cette violence de s’installer si facilement. Installée dans un foyer d’accueil pour femmes battues, elle a écouté les survivantes, les a vues se redresser. Elle s’est attachée à saluer celles et ceux qui mènent ce combat au quotidien, permanents d’associations, médecins, policiers. « Ce livre montre que les ringards, ce ne sont pas nous mais les autres. Que ce sont tous ceux qui raisonnent en termes de rapports de force qui doivent changer de mentalité. » Déclarée Grande Cause Nationale en 2010, la lutte contre la violence faite aux femmes s’est dotée cette année-la d’une loi plus protectrice pour les victimes. Mais le chemin est encore long avant que l’on cesse une bonne fois pour toute de traiter ces femmes comme des victimes alors qu’elles sont des personnes qui ont des droits. Long encore pour, qu’enfin, l’on considère que « frapper n’est pas aimer », cela commence dès le plus jeune âge.

Frapper n’est pas aimer, Natacha Henry. Denoël, 2010.


(Propos de l'auteure recueillis par Angelina)



in: L'ivre

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