mercredi 20 avril 2011

Même pas mort !


Robert Mitchum est mort. Ce n’est ni un pléonasme, ni un oxymore. Lorsque j’ai posté ce simple statut sur Twitter, il a été retweetté comme si c’était la nouvelle du jour. Preuve que dans l’imaginaire des gens, Robert Mitchum est bien vivant.


Souvenez-vous, l’année dernière le réalisateur Stéphane Arnoux nous en parlait déjà. C’était pendant le festival de Cannes et Robert Mitchum était déjà mort. Le film faisait partie de la sélection de l’ACID, l’Association du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion. Stéphane voyait dans ce « road-movie à la Jim Jarmush première période mais en couleur », « un film tout à fait américain fait par un metteur en scène tout à fait français ».

Moi, c’est plutôt Aki Kaurismäki que je me suis prise en pleine tronche. Cette façon de jouer sur l’étrangeté des êtres, des regards, des corps, sur la poésie, la sublime irruption de l’amour, aussi improbable qu’incongrue. La folie d’un Olivier Gourmet azimutée multipliée par la composition humaniste, spirituelle et... déjantée (ô combien de fois utilisé ce mot dans les critiques pléthoriques que vous pourrez lire sur le film... Mais je n’en ai pas trouvé d’autre.) de Bakary Sangaré, additionnées à la trogne d’amour de Pablo Nicomedes, car franchement je suis tombée amoureuse, même si je me suis aperçue à la première du film à Paris qu’il dansait très mal*, décuplées par la sensualité et la fraîcheur des deux rôles féminins. On pourrait aligner les opérations ainsi jusqu’à la fin du casting.

 
L’histoire cahote entre rebondissements loufoques et contemplation. Et une idée géniale : un acteur qui ne joue bien qu’en play-back sur les dialogues d’un vieux film de série B. (Un peu comme moi sur les chansons de VV Brown.) Des scènes qui mettent son manager au bord des larmes, et nous offrent quelques moments mémorables et hilarants. Evidemment, quand on part d’un tel postulat, tout devient possible. De vols à main armée en kidnapping, de petites pilules rouges et blanches aux rêves et aux cauchemars éveillés. Là, le cercle polaire devient un lieu-dit quand j’aurais béatement pensé le cercle polaire comme un tropique, du Capricorne ou du Cancer, faisant le tour de la terre. Quelque chose que j’aurais rêvé plein de neige. « En découvrant que le cercle polaire n’était qu’une ligne blanche tracée au milieu d’un parking d’aire d’autoroute, nous avons définitivement arrêté de croie au Père Noël... », disent les deux réalisateurs, Olivier Babinet et Fred Kihn. Nos héros partent dans une folle cavalcade, une épopée de Pieds Nickelés, rejoindre un festival qui se déroule au cercle polaire donc, y retrouver leur metteur en scène fétiche.

 
Hollywood de pacotille, hallucinée, touchée du bout des yeux et des oreilles, mythe trop cher, trop loin dont le scintillement de quelques paillettes usées n’égale pas un sourire de femme mélancolique. Lorsqu’on demande aux réalisateurs pourquoi "Robert Mitchum est mort", ce titre qui provoque mystère et confusion, ils citent la phrase qu’ils ont mise en exergue de leur film. « Un jour j'ai vu les Aventures du chien Rintintin à Télévision. Et je me suis dit, si lui peut le faire, je peux le faire. » La mort de Mitchum, c’est déjà la mort d’un cinéma rendu impossible par le temps, la distance, l’incapacité à vivre dans le présent. Olivier Babinet, Fred Kihn et leurs compères nous prouvent que le cinéma français, lui, se porte comme un charme.

Un film en forme de grande aspiration d’air frais, des paysages, des voitures, des poissons, de bible cachée dans une valise, de ‘tiags et de Stetsons. Du psychobilly à fond les ballons et d’innombrables clins d’oeil et citations cinématographiques à reconnaître. Un régal.


* Un fait que l'acteur dément énergiquement (Mise à jour publiée le 14 mai 2011)


in: Angelina's mad envy of cinema

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