mardi 10 mai 2011

Pas de liberté pour les amis de la liberté *

A la demande de la Mairie de Paris, la police a procédé, mercredi 4 mai 2011, à l'évacuation d'une centaine de Tunisiens sans-papiers réfugiés dans un bâtiment de l'avenue Simon Bolivar. Plusieurs militants, dont le cinéaste et musicien Stéphane Arnoux, se sont ensuite  rassemblés devant le commissariat du XXème arrondissement pour protester contre leur interpellation.

Photo SIPA

Il y a des Tunisiens à Paris. Ils seraient trop nombreux, paraît-il. Il paraît qu'il vaudrait mieux qu'ils restent chez eux, fassent leur révolution là-bas, et ne viennent pas semer ici la zizanie.

Le pouvoir français, avait proposé des armes à Ben Ali pour mater la révolution tunisienne, par la voix de Michelle Alliot-Marie, en « vacances » au bled pour acheter une belle maison à ses parents. Maintenant il traque et rafle les Tunisiens réfugiés en France. C'est toute la cohérence de l'Etat français, corrompu comme a pu l'être le voisin tunisien, raciste de toujours et fier de sa domination que la décolonisation a transformée en exploitation éparpillée.

Des Tunisiens, il y en avait qui s'étaient réfugiés dans le 19e à Paris, dans un bâtiment de la ville de Paris. Pas seulement pour survivre là, mais pour s'organiser, créer des ponts et des relais, entre gauchistes des deux bords de la Méditerranée. D'abord échoués à Lampedusa, floués par l'Etat italien de Berlusconi, avec des papiers qui ne valent rien, on a dit qu'ils étaient nombreux. Trop, si l'on en croit le Ministère de l'Intérieur. Plus de 20 000 (alors que 300 000 personnes arrivent en France chaque année).

Alors, avec l'aide de collectifs parisiens, ils se sont organisés ici. Et continuent de s'organiser. Malgré les rafles, les intimidations, les expulsions. On n'arrête pas comme ça un mouvement de l'Histoire. Mais les Tunisiens déjà en France de longue date, privés de papiers, se retrouvent dans le rôle des victimes collatérales d'une traque organisée (et fort peu médiatisée).

De l'immeuble de la rue Simon Bolivar, ils ont publié des communiqués, appelé aux soutiens. La Mairie de Paris, qui tentait de communiquer à contre-pied de l'Etat a promis des lieux... provisoires, propres à faciliter le travail de la police : des centre d'accueils privés, fermés la journée, où on les aurait divisés par petits groupes, et où il aurait été aisé de les cueillir au petit matin. Ils ont refusé : la Mairie a ordonné l'expulsion. Et porté plainte pour dégradations et occupations illégales.

Alors des citoyens, associatifs ou gens du quartier, se sont mobilisés. D'abord pour apporter des vivres. Puis pour se rassembler devant les commissariats où les squatteurs avaient été arrêtés.

Au commissariat du 20e, on n'était pas assez nombreux pour empêcher le car de partir, avec une trentaine de personnes à l'intérieur. Mais il y avait, tout de même, un mouvement de résistance. Avec des slogans comme :

"Ce sont les Tunisiens qui ont raison. A bas l'Etat, les flics et les patrons"

Là bas, ils avaient commencé par brûler les commissariats. Ici une maigre résistance s'organise : il est temps de choisir son camp. Ce serait beau, la prochaine fois, qu'aucun car ne quitte la ville vers un centre de rétention. Ce serait beau qu'il y ait des lieux pour habiter le monde. Et que cesse cette traque dégueulasse à l'étranger.

La France aux débuts de la révolution proposait d'envoyer des armes à Ben Ali. Aujourd'hui elle mène des rafles partout pour arrêter les Tunisiens. Et la police s'exécute. Tant que nous sommes trop peu nombreux pour empêcher ça.

Il ne sert à rien d'avoir honte d'être Français. A rien de poster des messages sur Facebook ou de tweeter. A rien de s'indigner. Il faut prendre un peu de son temps pour être là où la résistance est nécessaire. Ce n'est pas rien, même très peu nombreux, d'entraver ou de ralentir l'activité de la police : qu'elle se rende compte en permanence que nous ne sommes pas complices.

L'exemple tunisien est remarquable. Ils ont pris leur destin en main. Et nous on fait quoi ? On laisse l'Etat français réclamer aux révolutionnaires la dette faramineuse contractée par Ben Ali et expulser ceux qui, sortis de prison, libérés de la torture, tentent de rejoindre leurs familles ?

La chasse aux étrangers semble être devenue une médiatique priorité dans ce pays. Les panneaux des Tunisiens le 1er mai qui disaient "nous sommes venus vous aider à faire pareil" semblent accélérer le pas. Et supposent que nous prenions position. Dont acte. 

Stéphane Arnoux

* Titre d'Angelina


in: In the mood for anger

1 commentaire:

Stéphane a dit…

Super le titre !