vendredi 23 décembre 2011

Une méthode pas si dangereuse que ça

En sortant de la projection de A Dangerous Method de David Cronenberg, j'ai l'impression d'avoir vu la lumière et la nuit. "Comment ? Un film sur la rivalité entre Freud et Jung ? mâtiné d'une relation SM avec une patiente de Jung ? Un film de David Cronenberg ? C'est Viggo Mortensen qui joue Freud ? C'est Keira Knightley qui joue la patiente hystérique ? C'est Mich..." Ah non, Michael Fassbender je n'avais aucune idée de qui ça pouvait être et pendant tout le film j'ai cherché où j'avais bien pu voir sa tête et Wikipédia me dit que c'était .

Tous ces points d'interrogation n'étaient que des invitations, des cris, des appels pour que j'aille très vite voir ce film. Et très étrangement, en y allant, j'étais certaine que quelque chose de bien allait se passer.



LE FILM
Un David Cronenberg, ça se savoure, ça se retourne mille fois dans la tête, ça habite dans le corps quelques temps encore... Et un jour, on apprend que c'est devenu un classique de l'histoire du cinéma. Tout comme Les Promesse de l'Ombre avait amorcé un virage dans sa filmo, A Dangerous Method lui fait prendre un autre virage en sens inverse. Evidemment le sujet est passionnant. Le spectateur est propulsé au premier rang de la naissance de la psychanalyse entre trois cerveaux qui cherchent, qui explorent, qui se griffent, qui reculent, qui ne renoncent pas. Ma seule réserve, c'est que, bien qu'il y ait un roman à l'origine, le film est surtout adapté de la pièce de Christopher Hampton qui a lui-même écrit le scénario. Et c'est fort dommage, parce que cela se voit. Certes, le propos du film s'y prête : économie de gestes, économie d'action, économie de lieux, omniprésence du verbe. Le problème c'est que j'ai vraiment eu l'impression d'assister à du théâtre filmé et que ça m'a un peu déçue. A part ça tout va bien...

VIGGO MORTENSEN
Tout va bien ou presque.  Sympa de retrouver Viggo Mortensen sous les traits d'un vieillard qui passe son temps à tirer sur son cigare et à maugréer. Bien sûr, il est formidable en Freud : colosse aux pieds fragiles, imbu de sa doctrine, intégriste de la psychanalyse pure et dure, orgueilleux, intransigeant, ne supportant pas de voir ses disciples le dépasser. L'élégance naturelle de l'acteur apporte un supplément de vie à un personnage quasi-mythologique. Mais à part le regard limpide, il n'y a plus grand chose de Viggo Mortensen et de son légendaire sex-appeal. Son visage est mangé par une barbe de grand-père, son visage est déformé et même la couleur de ses yeux a été modifiée.

© Mars Distribution


MICHAEL FASSBENDER
Egal à sa réputation. Personnellement je ne craque pas sur cet acteur, mais j'aurais volontiers craqué sur Jung dans ces conditions. Etrangement, lui qui parait-il a interprété le rôle sur scène, lui qui nous la fait si "Actor's Studio", tout en introversion, c'est celui qui donne l'impression de faire plus du cinéma que du théâtre.

© Mars Distribution


KEIRA KNIGHTLEY
Je raffole d'elle. Je déteste les pubs de Coco Mademoiselle mais je regarderais un film juste parce qu'elle y est. Keira Knightley est complètement transfigurée par le rôle de Sabina. Sa performance du début est très impressionnante mais là où elle amène le personnage et la façon dont elle le porte tout le long du film transcendent le personnage. J'ai aussi l'impression qu'elle n'avait jamais été aussi bien filmée et que jamais un réalisateur ne s'était autant intéressé à son âme.

© Mars Distribution



FREUD VS JUNG
De ce que j'en sais, le film est encensé pour sa synthèse de l'affrontement entre Freud et Jung et pour l'articulation de ses enjeux. Pour ma part, je suis complètement restée sur ma faim par rapport aux enjeux de la psychanalyse et de son exploration. Le scénario se débat entre l'histoire intime et la grande histoire du mouvement de la psychanalyse. J'ai eu constamment l'impression de faire un va-et-vient entre la liaison sulfureuse d'un thérapeute et de sa patiente et la théorie. J'ai vraiment l'impression que de grands sujets ne sont qu'effleurés, que tout est suggéré plutôt qu'expliqué ou démontré, que l'on ne s'attarde sur rien et que le scénario compte beaucoup sur la culture du spectateur pour faire des raccourcis, ou énoncer des vérités rapides. Le rôle d'Otto Gross, tenu par l'admominable (contraction de "admirable" et "abominable") Vincent Cassel, résume bien mon problème. Dans le scénario, son personnage ne semble exister que pour pousser Jung vers la transgression, or il aborde tout un pan de la monstruosité/sexualité qui n'est que deviné, suggéré. Les travaux de Sabina, en quoi elle trahit Jung pour Freud, ne sont qu'à peine mentionnés.

VINCENT CASSEL
Attention, Vincent Cassel est en train de devenir l'acteur-fétiche-double de Cronenberg, rôle qui est actuellement dévolu à Viggo Mortensen. Sa présence est magnifique, ample, terrifiante. Vincent Cassel mange la pellicule et porte en lui cette part de monstruosité propre à séduire un Cronenberg. Il irradiait déjà de cette lumière noire dans Les Promesses de l'Ombre, dans ce film j'ai l'impression qu'il joue le rôle de Cronenberg lui-même distribuant les cartes le rire en coin, ouvrant les plaies, manipulant les personnages. Un cheval de Troie accompli, envoûtant, ensorcelant.

© Mars Distribution


Ce film deviendra-t-il lui aussi un classique ? Non assurément. Pas pour moi en tout cas. Trop chiche dans l'évocation même si tout y est. Il est par contre extrêmement bien réalisé et deviendra à coup sûr un magnifique sujet d'étude pour les générations à venir. La scène de l'arrivée de Freud et Jung à New-York ne manque par exemple pas de piquant, j'ai beaucoup aimé cette idée de "contamination" de l'esprit de la psychanalyse avec l'entrée du bateau dans le port et le plan des deux éminents thérapeutes qui encadrent la Statue de la Liberté... Quel farceur ce Cronenberg.



in:  Angelina's frantic envy of cinema

2 commentaires:

Anonyme a dit…

merci, ca m a donné envie d aller le voir

Angelina a dit…

Chouette. ça aura servi à quelque chose !...