dimanche 11 mars 2012

Art du soufflé

Après 1 000 articles publiés sur ce blog, c'est Sand qui s'est offerte en ce dimanche très sexuel pour un 1 001ème d'anthologie. Une petite merveille d'intelligence et d'ironie pour un apéritif moite avant de passer à la casserole.



DR


Les glaçons tintinnabulent dans les verres, un serveur passe, un peu maladroit, son plateau manque de se renverser dans le dos d'une très jeune femme à cheveux longs. Comme souvent dans ce genre d'endroit, on entend une musique qui partout ailleurs serait taxée de kitsh. Bizarrement elle ne fait qu'ajouter à l'ambiance un peu lascive. Un coup de fil, quelques phrases mécaniques, et nous y voilà. Lui, assis en face de moi. Chemise pas complètement boutonnée, l'air dégagé. 

Commander quelque chose. Il ne faudrait pas se laisser prendre au jeu de la timidité : lui montrer qu'il ne m'impressionne pas tant que ça. Morte de trouille, mes doigts glissent le long de la carte, je tente de me concentrer. Des doigts qui glissent, oui c'est ça, et...

Reprends toi. Tu n'y es pas encore.

Je m'égare. Vin blanc, grissini, je disserte et trompe l'envie. Puisqu'il faut bien jouer, jouons ! Après tout, même si j'en rêve l'embrasser avant de le mettre à feu et à sang n'est pas au programme. Les circonvolutions préliminaires. Et je tente de  me persuader : l'attente ne rendra le plaisir que meilleur.

On se console comme on peut.

 Le serveur approche, pour prendre la commande : sa voix calme, assurée, me surprend. Léger accent, musicale je goûte à l'énoncé des plats qu'il débite avec une mécanique qui me semble pourtant charmante. Je l'imagine illico me chuchoter des mots crus à l'oreille : le sexe quand il se nourrit de mots n'en est que plus dense.
Sa main frôle la mienne, et ma peau s'électrise. Nos doigts se nouent, se caressent, s'entrecroisent. Depuis que nous sommes arrivés, nous n'avons pas beaucoup parlé.

Le désir a été dit, de nombreuses fois : reste à appliquer la théorie.
Je compte mentalement : le repas durera entre une heure trente et deux. Puis, on ira chez lui : dans deux heures, il me baise. Rester calme et concentrée, en attendant. Croiser les jambes.

Badiner.
Il rit, charmant à des phrases idiotes que je débite à toute vitesse. Sans un mot ou presque : quelques ponctuations négatives ou positives selon, je fournis l'essentiel de la conversation. 
Jusqu'à ce qu'il se penche "j'ai faim de toi. Viens. Rejoins moi, dans deux minutes, à l'arrière. Porte de gauche."

L'audace me cloue sur place. Ils ne m'ont plus habituée, les hommes, à jeter ces mots-là sans attendre.  Je regarde ma montre compulsivement. Encore trente secondes.

Et peut être que ce serait bien d'y ajouter dix secondes de plus. Donne pas l'impression de ... Oh et puis zut ! T'en crèves d'envie.


 Je me dirige vers le fond de la salle, et ouvre la porte indiquée. Soudain, je me sens happée par des bras décidés. Il mélange force et douceur, ne me laisse pas le choix de l'initiative et me plaque contre le mur. Sa bouche cherche la mienne, d'une main il maintient un de mes poignets, de l'autre il caresse mes cheveux, mon épaule, mon bras, effleure ma taille. Je ne peux que lui rendre ses baisers. Humide, salée, je suce sa langue, il mordille mes lèvres. 

Frôle la pointe de mes seins de ses doigts, dessine un chemin précis jusqu'à mon ventre, glisse plus bas, et s'immisce sous ma jupe. Une main d'homme entre les cuisses, ça a ce truc de follement savoureux quand la paume repose sur le bombé du sexe, que les doigts cherchent et ouvrent. Il lâche enfin mon poignet, et je peux disposer de lui. Déboutonner sa chemise, éprouver la peau chaude de son torse. Mains, lèvres, doigts, peaux, tout est bon pour se frôler, s'irriter, s'étourdir, s'aiguiser, brûler.
Il m'attire contre lui. Tout se passe à merveille. Trop bien ?

Profite. Ça va peut-être pas durer.

 Me noyer dans ce regard... j'appuie mes fesses sur le rebord du lavabo, il fait glisser doucement ma culotte jusqu'à mes chevilles. Je fais sauter fébrilement les boutons qui me séparent de lui, arrache presque le tissu énervant. Je découvre son sexe : ni trop énorme, ni ridicule. Bandant comme il est convenu : ça m'arrache un sourire. Oui, même en matière de cul avec un quasi inconnu, il est des règles insubmersibles. 

Pas de heurts, pas de maladresses, un sexe de femme correctement lubrifié, une queue dure et prête à pourfendre.
Les premières minutes, chacun cherche son souffle. Puis, à force nos hanches se synchronisent, nos bouches se cherchent, nos langues se mêlent. Je presse ma poitrine contre son torse, l'enlace, mes mains courant le long de son dos, étreignant une fesse, caressant la cambrure de ses reins. Tout va très vite : chaque millimètre carré de peau brûlant, les sensations semblent décomposées. Un peu de sueur à son front, une mèche de cheveux collée sur ma tempe. Ivre de lui. Ivre de ce rythme insensé qu'il imprime, mes doigts se crispant sur ses fesses. D'un mouvement involontaire, mes cuisses l'enserrent, ses hanches au plus près de moi, je cherche sa bouche et du creux de mes reins, je la sens arriver. Sublime décharge, boule d'énergie irradiante, qui se propage et inonde tout sur son passage, déconnecte mon cerveau, fait trembler mon corps entier, floute mon regard, assèche mes lèvres, et me rend bientôt pantelante. C'est ce qui devrait arriver. Sauf que.

Je sens mon ventre se tordre, prête à venir. L'orgasme, mon cher orgasme n'est plus loin. Il est là, à portée, à quelques coups de queue encore. Oui, je sais qu'il va déferler là. Son pouce sur mon clitoris, pendant qu'il me prend... Bonne idée. C'est ainsi, ici, maintenant, il ne faudrait plus qu'il tarde.
Je n'en peux plus. Et alors je le sens : il jouit dans un râle, son sexe change légèrement de densité, il explose, son foutre coule.

Noooon !

Furieuse, je bouge encore les hanches sur sa queue endolorie. Repu, ravi, il mollit. Je lui en veux. Une minute, peut-être trente secondes, j'en sais rien il suffisait de pas grand chose. Mais interrompue en pleine montée, à deux doigts, je n'arrive à déclencher qu'un plaisir sans plaisir, automates contractions et frustration d'avoir été si près.

Finalement, ne croyez pas tout ce que vous lisez, l'orgasme simultané, c'est très surfait.
Sand




in: The closer I get

2 commentaires:

el_portaplumas a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
el_portaplumas a dit…

Une histoire impatiente qui, la forme et le fond s'entremêlant, s'embrase sur un rythme haletant mais dont le final, loin de retomber comme le soufflé évoqué dans le titre, nous coupe le souffle d'un high-kick ironique. Je suis soufflé ;)