mercredi 11 avril 2012

Pause avec un Frère nommé Corto



A mes chers Michel, Edouard, Michel et aussi à Julien

C’est peu dire que j’avais besoin d’une pause après cette semaine dense qui m’a mené de Grigny à Limoges et avant le meeting de circonscription à Neuilly-sur-Marne avec Riva, mardi 10 avril. Je suis un brin claqué, comme beaucoup d’entre-nous. Au vu des résultats, ceux que je peux mesurer autour de moi en tous les cas, je ne me plains pas : ça en vaut sacrément la peine. En tous cas, j’avais bien envie de décompresser, de me ressourcer. Direction donc le Musée de la Franc-maçonnerie de Paris pour l’exposition sur Corto Maltese et les secrets de l’initiation.

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Pour moi, Hugo Pratt, en général, et Corto Maltese en particulier ont comme un parfum de madeleine de Proust. Les deux premiers romans que j’ai lus, quand j’avais entre neuf et dix ans, sont Le Cycle des légendes arthuriennes et Les Celtiques. Oui, les ouvrages de Pratt, surtout les Corto, sont des romans dessinés, dans cette école italienne foisonnante où le scénario a autant d’importance que le trait. Trait épuré pour sublimer le détail et l’ambiance, chez Pratt. J’ai donc bercé, dans les longues soirées de cet hiver creusois interminable, devant un feu de cheminée ou sous l’édredon moelleux d’une chambre où la température excède rarement 13°, au fil des aventures du “franc marin”, sans comprendre encore la force et la puissance de ces mythes évoqués à couvert, de ces symboles dispersés au fil des cases… Je trouvais juste que Corto était un chevalier moderne, un héros proche du Lancelot que je découvrais par ailleurs.
Avec le recul, je sens bien que les histoires du marin maltais m’ont fait découvrir bien des choses. Au travers des Celtiques, j’ai découvert l’IRA et le combat des peuples pour disposer de leur avenir et d’eux-mêmes. Avec les Ethiopiques, j’ai commencé à m’ouvrir à l’Afrique et à l’Islam et, plus globalement, aux religions du Livre. Avec la Fable de Venise, c’est la spiritualité qui m’a ouvert ses bras, sans qu’il n’ait besoin de dieu pour la rencontrer. Hugo, avec tant d’autres, de Malraux à Hemingway, tu m’as ouvert un monde riche et foisonnant. Je veux t’en remercier vieux frère. Tu as fait partie de ces centuries d’auteurs qui m’ont fait homme, qui m’ont fait moi. Je me sens presque, avec vous tous, paraphraser Beauvoir : “On ne naît pas Humain, on le devient”. Et dans ce cheminement ardu, la culture joue un grand rôle. En passant, merci à mes parents de ne pas avoir eu peur de me laisser ces livres pour “adultes” entre les mains.

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C’est avec tout cela en toile de fond que je pénètre l’hôtel du Grand Orient de France, ce samedi. Je me sens un peu chez moi, ne vous en déplaise. Je verse les 6 euros de droit d’entrée et me voilà rendu dans cette salle unique peuplée de planches originales, de masques africains, de quelques objets maçonniques d’évidence… On en fait rapidement le tour, une heure en prenant son temps. Petit goût de “pas assez” forcément. La lecture des Corto mais aussi de Fort Wheling laisse à penser que le commissaire de l’exposition aurait pu faire bien plus. J’apprends néanmoins que le père d’Hugo était un membre du Parti national fasciste, qu’il vola une épée flamboyante dans un temple maçonnique que les nervis mussoloniens avaient mis à sac avant d’en tuer les membres. Hugo Pratt, quelques temps après sa propre initiation, rendra le symbole à ses propriétaires légitimes.

Me voilà porté par le souffle des druides et des mythes celtiques, par la danse folle des derviches tourneurs, par le mystère des sociétés magiques de l’Afrique noire. Autant de balises dans les aventures du marin sans navire. Qui disent le besoin de l’Homme de s’élever vers les étoiles quel que soit le lieu où il naît, quel que soit le nom ou l’absence de nom qu’il confère à la puissance transcendentale qui l’anime. C’est là le voyage initiatique de Hugo Pratt, le sien propre, qu’il a tenté de nous faire partager. En quelques points de repères visuels autant qu’écrits, le visiteur peut se les approprier. Ou pas.

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Forcément, c’est court. Trop court. Mais au fond, si cette exposition n’était qu’une initiation, dans le sens de début, à autre chose ? Que cela donne envie d’aller plus loin, de chercher dans les livres ou en soi même, les voies et moyens de découvrir l’Autre – et soi même par là ? Chacun jugera. Chacun décidera, ou non, de prendre le marteau et le burin pour dégrossir la pierre. En tous les cas, moi, ça m’a fait du bien.

Je crois qu’il est temps que je me réveille à présent.

Exposition Corto et les secrets de l’initiation – imaginaires et franc-maçonnerie à Venise autour d’Hugo Pratt, jusqu’au 15 juillet au musée de la Franc-maçonnerie, rue Cadet à Paris.
Ouvert du mardi au samedi.
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Bonus vidéo : New Order “True Faith”



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in: La part du fabulateur

3 commentaires:

Angelina a dit…

Merci Nathanaël pour avoir mis du Corto dans mon blog.

Anonyme a dit…

Merci Angelina pour avoir mis de moi chez toi :)

Bisous

Jacques a dit…

merci. Je partage