samedi 12 mai 2012

Qui êtes-vous Alexis Tsipras ?

DR
Contrairement à ce que moi et plusieurs membres de ma famille avions cru comprendre avec effroi dimanche soir dernier, la Grèce ne vit pas soudainement sous la coupe des néo-nazis depuis les résultats des dernières élections législatives qui sont tombés presque en même temps que ceux de notre élection présidentielle. Certes, la droite extrême a recueilli 6,5 % des voix et a ainsi installé 21 députés à l'Assemblée grecque (la Vouli), mais cette irruption morbide a opportunément permis à la presse française de taire la puissante montée de la coalition de la gauche radicale, Syriza, qui est devenu le premier parti de gauche en Grèce devant le Pasok (parti socialiste grec) et la deuxième force politique du pays. La Grèce n'est ni plus ni moins extrême que les autres peuples d'Europe. Face à une crise intense, profonde, qui a ravagé le quotidien des classes populaires et intermédiaires, qui hypothèque leur avenir et celui de leurs enfants, elle s'est de fait massivement tournée vers une gauche sociale et humaniste. Forte de 16,78% des voix, cette gauche radicale s'il en est, rejette catégoriquement des plans de sauvetage qui imposent une austérité folle pour accéder aux prêts des banques.


Mardi 8 mai, il a échu au leader du parti Syriza, le Front de Gauche grec, de former un gouvernement de coalition, en trois jours. En vain. Face aux dissensions entre plusieurs micro-partis, Alexis Tsipras a dû jeter l'éponge au bout de deux jours. Ce qui peut laisser augurer de nouvelles élections depuis l'échec du Pasok et fait jouer les Cassandre au journal grec libéral Kathimérini qui prédit que "le pays se dirige vers la catastrophe. S'il n'y a pas un gouvernement d'unité nationale dans les prochains jours, de nouvelles élections semblent inévitables (...). Et le victoire du bloc extrême anti-rigueur de Tsipras est évident".

© REUTERS
En attendant, Alexis Tsipras, le Mélenchon grec mais avec une gueule d'amour, est en quelques heures devenu l'un des centres d'intérêt et d'attraction en Europe avec François Hollande. Ne serait-ce que par un sex-appeal affirmé et quelques déclarations fracassantes qu'il a tenues concernant le plan de sauvetage de la Grèce à faire frémir de plaisir le moins convaincu des mélenchoniens : "Le plan de sauvetage a été clairement annulé par le verdict populaire" a déclaré le Nikos Aliagas de la gauche populaire. Cela comprenait le gel des remboursements aux créanciers, la renégociation du plan d'aide, l'abandon des baisses de salaire et des impôts d'urgence. Un beau programme mais hélas, pas de gouvernement en vue.

Alors que, on peut le dire, en France Jean-Luc Mélenchon a fait le show (presque) à lui tout seul pendant les longs mois de la campagne présidentielle (tout comme il s'apprête à le faire encore lors des législatives, à Hénin-Beaumont), cette montée en puissance historique de la gauche radicale et les paroles d'Alexis Tsipras résonnent comme un écho aux confins de l'Europe économique. On aurait presque la tentation d'y voir comme un mouvement spontané éclaté en plusieurs endroits ; comme deux ardeurs qui s'appellent, qui s'entendent et qui se répondent ; comme deux peuples qui se lèvent en même temps. Cela quelques mois après que cette même ardeur soit née en Allemagne avec l'éclosion des urnes de Die Linke, la gauche de gauche allemande.
 

Toujours est-il qu'à cette occasion, le "charismatique" leader de la vraie gauche selon l'Huma ou "l'enfant gâté grec" selon Le Monde n'a pas raté son entrée sur la scène internationale. La punchline affûtée, le menton haut, la mèche noire et l'oeil brillant, il fait courir les scribouilleux en mal de sensation comme la lumière les papillons éphémères. Je n'ai pas manqué de tomber sous le charme non plus. Beau et révolutionnaire, mis en échec par une improbable coalition gouvernementale mais peut-être encore plus victorieux demain, tout cela m'a donné envie d'en savoir plus. Pas vous ?

Tout d'abord, le monde entier se plaît à rappeler qu'il est né cinq jours après la chute du régimes des colonels. Bon, quand je serai une grande femme politique, qu'on n'oublie surtout pas de mentionner qu'enfant j'ai habité la rue Saint-Just, celui qui avait réclamé la tête de Louis XVI. C'était assurément un signe prémonitoire. Entré dans les jeunesses communistes, c'est dans les années 90 qu'il se fait remarquer par son verbe et sa prestance sur un plateau de télévision pendant des manifestations lycéennes. Il suit parallèlement à une ascension fulgurante au sein du parti communiste grec des études d'ingénieur. En 2006, il devient conseiller municipal à Athènes et à 33 ans, en 2008, il devient le plus jeune leader d'un parti en prenant la tête du Synaspismos, la composante communiste de Syriza. C'est enfin en 2009 que, député, il est élu à la tête du collectif Syriza.

Sur le plan personnel, l'homme est bizarrement décrit comme "un homme politique calme et doux" par la BBC "qui se refuse à porter des cravates et préfère se déplacer à moto". Cela tranche à peine avec l'image de "jeune homme, dynamique" qui s'est "fait remarquer au moment des émeutes lycéennes qui se sont déroulées au début des années 90 en Grèce, contre des réformes de l’éducation" et qui a "dépoussiéré l’image vieillissante" du parti communiste que nous décrit Rue89 par la bouche de Nikos Sigalas, chercheur à l’Institut français des études anatoliennes (Ifea). Papa d'un petit Paul, il est pacsé avec une ingénieure en électricité et en informatique et s'apprête à devenir père pour la deuxième fois.

Jeune et donc contestable, il est contesté par nombre d'observateurs dans son pays, notamment pour avoir encouragé les émeutes qui ont violemment secoué la Grèce ces derniers mois. Tout comme en Europe où on se demande si ce bel hellène sera à même de gouverner, si à 37 ans, ce plus jeune chef d'un parti politique en Grèce aura l'estomac de tenir tête aux pères la rigueur qui enchantent les gouvernements sur des airs d'austérité publique. "Il l'aura", répond sans hésiter Ilias Nikolakopoulos, un professeur de sciences politiques de l'Université d'Athènes, au Wall Street Journal. Placé dans une position confortable, il le voit comme un joueur sérieux.

Sans agressivité et sans arrogance, Alexis Tsipras fait entendre une autre voix de la Grèce. Celle qui refuse que ce pays devienne un "protectorat de l'Europe" et veut l'arracher des griffes du FMI. Une voix qui inquiète la presse européenne aux dires du Monde. Evidemment, à chacun de voir les choses selon le côté de la barrière où il se trouve. Mais à l'heure où ce pourfendeur de la bienpensance européenne a fait un appel du pied significatif à notre nouveau président, celui du changement, celui-ci ne daigne même pas lui accorder un regard de côté, prétextant que "ce rendez-vous aurait été possible avec un Tsipras nommé Premier ministre, mais pas à ce stade" selon le site internet Arrêts sur Images. A croire que le changement peut attendre. 

Toujours est-il que malgré la guerre ouverte qu'il a déclaré aux bailleurs de la Grèce, Alexis Tsipras a affirmé une volonté farouche de rester dans l'Euro. Reste à savoir si les éminences de la finance feront l'aumône de sa place dans la monnaie commune à cette terre d'îles, riche d'histoire mais indécrottable mauvaise élève sur les bancs de la stabilité économique. Seul Jean-Luc Mélenchon, sur son blog, à déclaré entendre un écho fraternel s'élever en Grèce aujourd'hui, demain ailleurs : "Pour passer de Papandréou à Syriza il aura fallu trois ans et de la fermeté politique. Cette trajectoire me paraît annonciatrice pour bien des régions d’Europe."

Lire aussi sur Bakchich : Qui es-tu Syriza ?


in: The world is crying out loud

8 commentaires:

Guillaume a dit…

Parce qu'il n'a pas une gueule d'amour notre Mélenchon ? C'est quoi c't'histoire ? ;-)

Guillaume a dit…

Beau billet, anyway. Belle (et rebelle) plume ;-)

Angelina a dit…

J'avoue Guillaume, il a de beaux yeux... et du sex-appeal :)

les cafards a dit…

on les aimes nos p'tites gueules d'amour mais on n'aime beaucoup moins les bruits de bottes un peu partout en Europe

Anonyme a dit…

Bien rédigé ce billet. Orienté sans être trop ostensiblement supporteur, il décrit bien le bon vent du renouveau de la gauche grecque.
Bien des journalistes, au Monde par exemple, pourrait s'inspirer du style sur le fond et sur la forme

Anonyme a dit…

Joli, Angelina ^^

Guillaume a dit…

;-)

Petite update : http://www.europe1.fr/Politique/Rencontre-entre-Melenchon-et-Tsipras-lundi-1086755/

http://oulipia.free.fr/index.php/post/2012/05/17/Meeting-Melenchon-/-Tsipras

LUNDI ! ;-)

Caroline-Christa a dit…

A la place de Marine Le Pen, on préfère Marine Le Pull ("Le Pull Marine" de Gainsbourg) - Alex Beaupain