Un spectacle en train de s'écrire sur l'ère du temps. Ecrit et mis en scène par Stéphane Arnoux, "Les pieds dedans" nous parle d'ici et de maintenant.
Devant et derrière un drap blanc, trois jeunes gens d'aujourd'hui racontent le monde d'aujourd'hui, la violence du quotidien subie sans broncher, les dérives d'une société de plus en plus liberticide qui génère la peur de l'autre. "Il y a comme un dérangement formidable de vivre aujourd'hui." Un gars et deux filles mettent leur vie en situation pour dénoncer la politique du profit, mettent leurs rêves en scène pour démasquer l'exploitation des rêves humains, incarnent leurs peurs pour dire la peur de l'avenir, en appellent à Rimbaud et Antigone pour appeler à la révolte.
Nous avons "tous les choix, sauf celui d'éteindre la télé". Oppressés par la société dans laquelle on ne vit que par écran interposé, écran de télé, d'ordinateur, fenêtre du train de banlieue ou du métro derrière laquelle défilent les noms des stations, ils partent. Ils partent se mettre au vert, à la montagne, à la ferme, recréer une société humaine où il sera permis de lire, d'écrire, de réfléchir. "Je ne savais pas que lire, ça pouvait faire de nous des terroristes." Arrêtés, menottés, ramenés à Paris, accusés et emprisonnés, ils se mettent à réfléchir sur leur histoire, avec l'idée que l'histoire en marche, c'est tout de suite et qu'on a tous les pieds dedans.
Cette mise en abyme du théâtre dans le théâtre, mouvement de création et de réflexion, offre une vertigineuse impression d'écriture automatique. Les pieds dedans nous convoque à un cabaret de l'intime, de l'instant. Un spectacle qui brasse le vivant avec le numérique, la chair avec les ombres, qui utilise toutes les ressources technologiques et invoque la polyphonie au risque de provoquer la dissonance. Poésie, vidéo et rock'n'roll pour dire les maux de cette génération post-X qui a déjà fait de Tarnac son emblème. Un théâtre de l'after-réalisme qui lance, à la façon de Twitter ou Facebook, des bribes d'intimité à étaler sur un drap blanc. Un néant à remplir de couleur, de cinématographies, des hommages à peine dissimulés à Godard qui sait si bien faire parler les images quand elles se télescopent.
Mis à part un début un peu laborieux, la rage monte et l'exaltation gagne l'assistance. Mais de la saison en enfer au chant de la Commune, le discours demeure un peu consensuel. C'est lorsque l'actualité percute la narration que le spectacle devient une véritable et passionnante chronique vivante. L'affaire de Tarnac, neuf jeunes arrêtés en Corrèze, soupçonnés d'avoir saboté des lignes de TGV sur la base d'écrits ou de lectures "subversives", mais aussi Montreuil et le tir de flashball dans l'oeil du réalisateur Joachim Gatti, permettent de dénoncer "le désordre en guise de maintien de l'ordre".
Né à Montreuil, à la Parole Errante, ce spectacle en constante expérimentation continue de s'écrire et de s'affiner. Après un passage au festival La Belle Rouge à Saint-Amant-Roche-Savine l'été dernier ainsi qu'un séjour à La Belle Etoile, le théâtre de la Compagnie Jolie Môme à Saint-Denis, les représentations devraient reprendre à Montreuil au printemps. Un spectacle vivant, lardé de poésie et de fébrilité qui en font une oeuvre toujours en devenir attachante.
Les Pieds dedans, cabaret intime, de Stéphane Arnoux
Texte, mise en scène, musique, vidéo : Stéphane Arnoux
Avec : Julie Le Rossignol, Lydia Sevette et Stéphane Arnoux
Musique : Tom Honnoré
in : In the mood for anger
1 commentaire:
Pour suivre votre idée, ...Dialogue Série TV:
" Je crois que cette histoire drôle... va mal finir ! "
DEXTER, vu hier soir, s'applique à mon histoire villageoise personnelle ...!
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