lundi 10 janvier 2011

Mes vendredi sont moins noirs que vos jeudi

Cette année, en bonne et charmante bloggueuse, influente et drôle, star de Twitter mais point trop, étoile dans le firmament de Facebook, astre lumineux de Blogasty et Wikio, aware en politique néo-libérale et en magouilles psycho-financières, mon merveilleux moi a été invité à des voeux. Comme toute fabluleuse personnalité qui se respecte, j'allais cueillir l'ambroisie sur des lèvres parfaitement carminées, j'allais serrer des mains douces et chaudes et croiser des regards profonds et chaleureux, surtout emplis de leur espoir en ma délicieuse personne comme vecteur inconditionnel de leurs précieux mots, comme l'incontournable pilier d'une blogosphère qui pépie et trombine à tour de clics. Mais je m'égare...


Le rendez-vous était un peu mystérieux, quelque part entre Miromesnil et Saint-Augustin et les hôtes quémandaient même quelques croissants. Illogique mais original. Aussitôt arrivée au lieu-dit et sous la pluie, j'eu la surprise d'être redirigée manu militari vers une autre adresse, tout aussi mystérieuse. La progression dans les rues de Paris au petit matin s'en trouva alors empreinte de surprise, de curiosité, de gourmandise. Ces voeux 2011, les premiers de ma vie de bloggueuse émérite et sensuelle (même sous la pluie), commençaient furieusement à se transformer en une splendide chasse au trésor. Je m'attendais, au nouveau lieu-dit, à devoir tourner de 90° dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, compter trois pas dans la direction de Sirius, soulever la plaque d'égoût qui se trouverait alors à mes pieds et m'enfoncer dans ce boyau, chemin vers la salle secrète de cette commémoration solennelle. 


Cela dit, une fois parvenue au 22 avenue Matignon, un endroit très sélect, chic, large et propre, mes fabuleseries s'envolèrent très vite lorsque je constatai que l'on avait prévu mon comité d'accueil. De gracieuses personnes en uniforme m'ont dévisagée, photographiée, filmée. Aucune pourtant n'a pensé à me demander mon carton d'invitation. Gage que nous étions en excellente société. Très vite, d'autres charmantes personnes hirsutes, en jeans et t-shirt, m'ont prise en charge dans un élan très coordonné. "Et voilà la dixième ! Tu peux ouvrir Maxime." Maxime ouvre la porte en verre d'un immeuble en verre, et les dix admirables personnes que nous sommes, pourtant toutes inconnues les unes des autres, se retrouvent propulsées dans un sas, un lieu étanche entre le monde du dehors et le glorieux monde du dedans. Nous nous sourions d'un air entendu et connivent. Une deuxième porte s'ouvre enfin devant nous. Cette fois, l'hôte dont le visage est recouvert d'un foulard qui lui monte jusqu'aux yeux, nous demande de décliner notre identité. France 3, Le Nouvel Obs, France Info,... Angelina du blog Mes petites fables. Certainement, et même très catégoriquement, je le vois pouffer. Il me met la main sur l'épaule et d'un geste plus affectueux que condescendant me fait entrer. Un triomphe !


© Angelina


Peu parmi le grand nombre de personnes présentes s'en sont rendus compte, car malgré la très haute teneur en sélectivité de cet événement, nous étions dans le noir. Après avoir regardé les jolies affiches "Jeudi Noir", "Jeudi Noir", bien que nous soyons indécrottablement vendredi,après m'être fait la réflexion qu'il pouvait être dommageable de faire une erreur aussi grossière en pareille circonstance, après m'être assise, levée, après avoir tourné, sourit, la plupart du temps à des personnes qui ne me connaissaient pas et que je connaissais, les choses se sont soudain emballées. 


Quelques lumières incrustées dans le plafond s'allument et Julien et ses acolytes parlent dans un micro. "Nous sommes heureux de vous accueillir ici, dans des locaux appartenant à AXA, pour vous présenter nos voeux". Je capte les mines réjouies de Martine Billard, de Karima Delli, d'Alima Boumediene-Thiery. Je note, je photographie et je dénote. Evidemment, je me fais un peu l'effet d'un ovni dans une fosse journalistique, car comme le suggère Augustin Legrand, il y a plus de journalistes que de militants. Moi je dirais quand même qu'il y a du people. Clémentine Autain, Aurélie Filippetti, Yves Contassot, Jean-Baptiste Hérault prennent successivement la parole. Je prend Monseigneur Gaillot en photo comme une gosse devant une idole.


La visite du bâtiment est épique. Plus de six étages sans ascenseur. Et souvent, les locataires semblent avoir omis, ou ne pas avoir eu le temps, de faire leur lit. Arrivés au dernier étage, notre guide nous fait remarquer que nous nous situons dans le penthouse, que comme toute grosse boîte qui se respecte, AXA avait aménagé pour ses dirigeants. Un endroit munie d'une kitchenette et d'une moquette épaisse ("Notez l'épaisseur de la moquette", nous signale le guide). Et gloire glorieuse et pompe somptueuse, la terrasse offre une vue plongeante sur l'Elysée. Plus besoin de Facebook, de Twitter ou de lip-dub censuré pour communiquer désormais avec le premier des Français. Le langage des signes peut suffire, à condition qu'il soit équipé d'une longue-vue, ou bien des signaux de fumée.

© Angelina


Redescendue dans le hall, chacun vaque à ses occupations : ceux qui se font braquer une lumière vive dans la tronche et sur qui pointe une armada de caméras, micros et blackberry, ceux qui se font sagement interviewer dans un coin à peu près tranquille par une caméra ou une personne qui prend des notes laborieusement dans un petit carnet, ceux qui papotent l'air de rien et se racontent leur réveillon. Manifestement, ou de ce que j'en ai compris, Jeudi Noir, a passé le(s) réveillon(s) dans les lieux, à la lampe torche. La pièce, pourtant vaste, commence à se troubler dans un brouillard de fumée. 


Soudain, une ruée vers la baie vitrée. "Il y a un journaliste qui se fait embarquer !". Comme les autres je cavalcade, camescope en main pour n'en rien manquer. Je ne vois pas grand chose. Peut-être une fin d'action qui se termine hors-champ. Par contre je me rends compte que plusieurs personnes se sont installées sur le trottoir d'en face pour avoir une vue imprenable sur l'occupation et surtout le bouclage du bâtiment. Je me rends compte que nous sommes comme des poissons dans un bocal. Certainement que dans leur souci de préserver la chaleureuse intimité de notre réunion, les forces de l'ordre se sont déployées, malgré la pluie qui ne cesse plus, pour former un cordon infranchissable pour les retardataires.

Si j'ai bien suivi, c'était dans les deux sens. Une fois sortie, je n'aurais pu y rentrer si je l'avais souhaité. Ce qui n'est, convenons-en vous et moi, lecteurs prodigieux, pas du tout fair-play. Mais en matière de fair-play, jusqu'à maintenant, le gouvernement actuel n'a pas encore donné de signes évidents de sa bonne volonté. Il n'y a qu'à se rapporter à quelques semaines en arrière et à la mobilisation de quelques Français dans les rues et sur le net.


Prochainement, un autre article sur le même sujet sur Bakchich.




in: In the mood for anger

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