lundi 30 juillet 2012

Le Gloomy Monday of the Summer de Denis Parent [J-42]

 Journaliste, chroniqueur, réalisateur mais surtout écrivain. On ne dirait pas à le voir tant il a l'air sage et intelligent, mais son humour est complètement déjanté, son cynisme acéré. Sur Facebook, il partage avec ses affidés le journal d'un amnésique sans concession sur son époque mais tout à fait jubilatoire. Un jour Denis Parent commettra un de ces textes, de ceux qu'il publie presque par inadvertance, comme Perdu avenue Montaigne Vierge Marie ou Un chien qui hurle, et ce jour-là il aura un prix littéraire. Souvenez-vous que je vous avais prévenus.





J’ai quinze ans. Nous sommes en 1969, année érotique disait Gainsbarre. La voisine dont je convoite la bouche et qui ne porte pas de soutien-gorge m’offre un 30 centimètres bizarre. Sur la pochette on voit l’équipage d’un dirigeable en uniforme avec des tête de prussiens et au-dessus la forme du ballon et des nuages. Il est écrit « Led Zeppelin II ». Le zeppelin de plomb. J’apprendrai bien plus tard que mes potes les lycéens américains l’ont surnommé « brown bomber » le bombardier brun. Ce n’est pas un enregistrement historique sur l’explosion du Hindenburg (1934). C’est un étincelant disque de rock pur et je me souviens encore d’avoir mis la galette sur le plateau du Ducretet Thomson familial, un tourne-disque -comme on disait à l’époque- diffusant en son mono. Les amis tant de choses ont passé depuis, tant  de technologies ont révolutionné nos vies, tant d’objets sont devenus caducs et les enfants de ces années 70 sont aujourd’hui grands-parents. Mais Led Zeppelin II en analogique comme en numérique n’a pas bougé. Des gamins aujourd’hui tombent de la chaise en écoutant ça, parce que ҪA a révolutionné la violence dans le rock, a engendré le métal et toutes les facéties plus ou moins bruyantes qu’on a connues depuis. 

Ce jour de novembre 1969 l’album est sorti le mois précédent et quand le bras tombe sur le disque, quand grésillent les parasites dans l’unique enceinte je ne sais pas qu’il reste quelques secondes avant que retentisse « Whole lotta love », merveilleuse allitération bramée par un garçon à la chevelure d’or nommé Robert Plant. A la guitare il y a un sorcier du nom de Jimmy Page petite chose fragile et furieuse qui se sert parfois d’un archet pour tirer des sons inouïs de sa Gibson Les Paul. Derrière ce sont les chevaliers teutoniques : John Paul Jones bassiste métronome, John Bonham, alias le marteau de Vulcain. 

Le premier morceau ne fait pas de prisonnier, rouleau compresseur d’énergie pure, guitare possédée, voix haut perchée, cavalcade de fer et de feu. Mais derrière, dans tout l’album, le zeppelin montre ce qu’il est : gorgé de blues. Et il a retenu la leçon de base des vieux blacks du delta : la musique du diable c’est tension/détente. Le zeppelin sait se faire délicat, un rayon de soleil avant l’orage. Le disque ne parle quasiment que de cul. Le blues toujours. Et des petits blancs, anglais pour ne rien arranger, sortent tous armés de la tête des nègres millénaires. C’est un disque transgressif qui va planer bien au-dessus de la production rock de ces années-là. Je l’écoute encore et je suis, à chaque fois, transporté dans la blanche lumière de cette journée de novembre 1969 quand Dieu m’est apparu, jeune, mâle, chaud, et branché sur des milliers de Watts. J’ai écrit mon testament y’a pas longtemps et comme disposition ultime j’ai demandé qu’à mon inhumation on diffuse « Babe I’m gonna leave you ». J’ai aimé tant de femmes sur cet arpège qu’il n’y a pas de raison que je n’ai pas quelques étreintes outre tombe.

Denis Parent 












in: Gloomy monday

2 commentaires:

Denis a dit…

oh yeah!

Angelina a dit…

Merci Denis pour cette chronique et ce Led Zep qui sont déjà entrés dans l'Histoire.