mercredi 30 juin 2010

Je te dessine from Christine Laure Morgan

Je te dessine avec mes doigts là, la
courbe de ton visage, comme si je ne devais
plus le voir ! Là, je ferme les yeux, à tâtons,
j'explore les traits de mon amour !
Le coin de ta bouche, le touché de tes lèvres
aimées ! Douceur de l'instant, cette sensation d'exister !
Mes doigts remontent, vers le pli de tes yeux, juste au
coin là, où il y a une fine ride chère à mon coeur !
Tu ris mon amour, elle plisse cette petite ride là,
émerveillée, je la regarde, comme un Lac, comme
une Vague qui me remplit de joie, mes doigts remontent
sur ton front, et caressent du bout avec
douceur, ça et là, quelques plis laissés par la vie et le temps !
Je caresse tes cheveux, sensation d'ivresse, qu'il est bon d'aimer,
mon amour, sensation de joie, mon coeur va à ta rencontre !
Mon corps et le tien, ne font qu'un !
Ah ! garder, cette joie à jamais, pour toujours, pour la vie !
J'imprime ce visage aimé, sur ma peau par ce doux touché là,

Mon amour !
Ma joie !
Ma tendressse !
Ma vie !


Christine Laure Morgan
Texte déposé à La Société des Gens de Lettres
Tous Droits réservés


DR




in: La part du fabulateur

lundi 28 juin 2010

Mosstly beautiful

Dernier Gloomy Monday avant l'été.

Non je ne vous laisse pas tomber, lecteurs électrisés.

Bientôt une newsletter.

Dès la semaine prochaine, un été chaud, car ce blog refuse de partir en vacances et de vous laisser vous ennuyer pendant ce temps.

Et tout de suite, la fabuleuse vidéo de la faramineuse Kate Moss interprétée par l'atmosphérique Caroline-Christa Bernard. Accrochez-vous bien, ça frotte...







in: Gloomy monday

mardi 22 juin 2010

Les papiers n'effacent pas les souvenirs from Minui

DR




L'histoire que je vais raconter est une fiction. C'est une histoire que j'ai écrite mais de nombreux enfants vivent cette histoire. Et ça se passe dans notre pays.

Avec papa et maman, nous sommes arrivés dans une nouvelle ville. Depuis notre arrivée, nous passons des journées à marcher, à attendre, à faire la queue. Nous attendons des heures. Je ne comprends pas pourquoi c'est si long. Il y a beaucoup de monde. Nous arrivons tôt, le soleil vient à peine de se lever. Je vais parmi les familles qui font la queue dans cette file immense, où les enfants parfois attendent assis par terre tandis que leurs mamans allaitent ou simplement portent le petit nouveau ou la petite nouvelle ; d'autres tendent le cou pour essayer de voir au-dessus des gens pourquoi ça tarde autant. Il y a des gens de toutes les couleurs. Mais personne ne parle la même langue. Lorsque je demande à maman ce qu'une personne a dit, elle me répond qu'elle ne sait pas. Parfois elle invente une histoire pour me distraire.

Je suis sage, mes parents m'ont bien dit de ne jamais me séparer de ma maman. Sinon un monstre va venir m'emporter et je ne reverrai jamais papa et maman. Je ne lâche jamais la main de maman. Parfois elle me porte dans ses bras quand je suis fatigué. Je suis souvent fatigué parce qu'on doit toujours être prêt à partir, parfois en pleine nuit. Nous vivons dans une petite chambre. Avant nous étions avec d'autres personnes, des gens qui sont aussi arrivés comme nous dans ce pays nouveau. Mais je préfère maintenant, vivre dans notre propre chambre, plus calme et je ne suis pas obligé d'être gardé par une fille qui vivait dans cette même chambre. Elle était bizarre et je n'aimais pas quand elle fumait la cigarette. Elle passait ses journées au téléphone parfois elle riait, mais souvent elle criait. J'avais très peur d'elle.

Je ne sais pas depuis combien de temps nous attendons dans cette file d'attente où on avance petit à petit. Je vois la rue à travers ces barreaux de métal. Les jambes des grandes personnes qui avancent petit à petit. Parfois maman me porte pour me donner un câlin. Petit à petit, je vois la porte d'entrée. Il y a des personnes qui font entrer petit à petit les gens qui attendent. Une fois qu'on est entré, une dame nous pose des questions. Elle a demande à mon père la raison de notre visite. Mon père explique tant bien que mal qu'il demande le statut de réfugié. Nous finissons dans un bureau où une autre dame remplit un dossier. Elle pose des tas de questions sur nous, notre famille ; comment nous sommes arrivés en France. Elle explique ensuite la procédure qu'elle va engager pour qu'on puisse obtenir des "papiers". La dame du bureau nous explique aussi qu'il faut que nous soyons discrets, que nous ne parlions à personne de notre situation, même dans notre communauté. Elle me demande enfin si j'ai bien compris et me dit que c'est comme un jeu qu'il faudra absolument gagner. "Papiers", C'est un mot que j'entends souvent. Apparemment c'était très important. C'est pourquoi nous avons passé autant de temps. Une fois qu'on est sorti de là, je demande à papa: "C'est fini ?" Il me sourit, me dit "bientôt".

Sur le chemin du retour, papa nous quitte en nous disant d'attendre à la maison. Il est déjà en retard pour travailler. Il fait des travaux, parfois je le vois rentrer très tard, couvert de poussière. Il me dit souvent qu'un jour il nous construira notre maison. Maman et papa s'embrassent puis maman me prend dans ses bras pour faire un bisou à papa. Tout d'un coup, il se fige. Il dit à ma mère de rentrer vite. Il nous accompagne dans les souterrains du métro. Ils se mettent à courir vite et s'engouffrent rapidement dans une rame de transport. Tandis qu'ils soufflent, ils me disent "Tout va bien". Je pense que c'était encore la police. Il faut qu'on fasse attention, sinon nous nous ferons attraper. Nous changeons de rame tandis que papa continue sa route. Une fois à la maison, maman prend son livre où elle apprend le Français. Parfois elle répète des phrases et m'apprend quelques mots en chanson qu'on entend à la télévision. Je joue avec une poupée Bob l'éponge que j'ai eue au MacDo. Maman me dit de ne pas trop regarder la télévision, parce que je devrai un jour retourner à l'école. Avant j'allais à l'école. Ça me manque, j'avais des amis. Mais mes parents m'ont dit que je retournerai à l'école quand on aura les papiers. A l'école, un jour, des policiers sont venus attendre les parents de Mamadou, un copain et on ne les a plus revus, ils étaient rentrés dans leurs pays. Moi, ce jour là, j'étais malade et mes parents sont passés me chercher un peu plus tard. Ils avaient eu très peur.

Nous passons la journée dans la chambre en ce moment à attendre le retour de papa. Maman ne veut pas me laisser tout seul ou me confier à une autre tante. Parfois nous allons jouer dans le parc. Je rencontre d'autres enfants. Un jour, une fillette s'est approchée pour jouer avec moi. Mais la maman de celle-ci me voyant est venue la prendre dans ses bras. Elle avait une expression me regardant, je l'ai entendue dire à sa fille, "Ne t'approche pas de ces gens là !". La petite fille pleurait. Moi j'étais triste, je ne savais pas ce que j'avais fait de mal. Ma maman m'a pris dans ses bras et m'a dit "On va rentrer, il ne faut pas être triste pour ça. Ça n'en vaut pas la peine." Mais je pleurais. Et j'ai pleuré tout au long du chemin jusqu'à la chambre. Maman me séchait les larmes me disait qu'étant un petit garçon je ne devais pas pleurer. Elle m'a dit aussi que je devais être fort pour ma maman quand papa n'était pas là. J'ai fini par m'endormir sur ses genoux pendant qu'elle me lisait une histoire.

On est en fin de journée. Soudain, on entend du bruit dans le couloir, des bruits de pas. Je m'éveille de mon sommeil tandis que maman se lève. Elle part voir ce qui se passe dans le couloir. Elle regarde rapidement dans le judas puis elle se précipite voir par la fenêtre. Je me dirige vers la fenêtre. Je vois des voitures et des camions de police, des policiers devant l'immeuble. Maman prend son téléphone pour appeler papa tandis qu'elle m'ordonne de venir auprès d'elle. Elle me dit de ne surtout pas faire de bruit. On doit faire comme si on n'était pas là, ne pas parler, rester dans le silence. Papa est sur répondeur. Je sursaute lorsque j'entends qu'on tambourine à une porte. "Police ouvrez !" Maman me couvre les oreilles, je la serre fort dans mes bras. Nous sommes pelotonnés près du lit dans le noir, l'un contre l'autre. Une porte s'ouvre avec fracas. Je sens les larmes de maman couler sur le haut de mon front. Nous entendons les cris, des bruits de lutte et de chutes. Ça dure longtemps, assez longtemps pour que j'oublie que la nuit est tombée. Nous sommes dans le noir. Puis le téléphone sonne. C'est papa, il rentre en nous demandant si tout va bien ? Maman dit un petit "oui, revient vite".

Ce texte est dédié à ceux qui se réfugient derrière l'insécurité pour des lois dont la forme, le fond mais surtout l'application sont de plus en plus indignes de l'être humain. Nous prônons ces valeurs de liberté, d'égalité, et de fraternité mais la plupart de ceux qui arrivent et qui sont arrivés ont grandi avec des morceaux d'histoire comme celle-ci. Et nous aurions des leçons d'humanité à donner...



Le blog de Minui




in: La part du fabulateur

lundi 21 juin 2010

Y a pas de mal à se faire du bien (4)

Mais qu'avait-il bien pu consommer, Jimmy Webb, le jour où il a écrit cette chanson aux paroles à la limite de la cabalistique et aux envolées d'un lyrisme à vous faire monter les frissons jusqu'à la racine des cheveux ?

Macarthur Park a toujours représenté pour moi une très belle chanson, superbement interprétée par Richard Harris, un acteur so deliciously English, au physique délicat et à la classe inimitable et un peu surannée des acteurs shakespeariens d'hier. Une chanson qui pour moi préfigurait à la fois l'avènement de The Divine Comedy et de Mike Flowers avec deux bonnes décennies d'avance.

Macarthur Park a, de l'avis général, tout du condensé de chef-d'oeuvre visionnaire. Jimmy Webb fait rouler des cuivres sur un tapis de cordes et une pluie de notes au piano à la Burt Bacharach, manie les changements de rythme sans complexe au risque de sembler accoler plusieurs chansons en une seule. Il vous secoue derrière un rideau de cymballes, vous envoient en l'air en fanfare avant de vous rattraper au creux d"une délicieuse mélopée. La voix caressante d'un Harris, à l'époque exquisement barbu, ne fait qu'ajouter au pouvoir sexuel de cette chanson.

C'était avant que je ne tombe sur ce petit film, qui bien que riches en commentaires, en points de vue variés et en avis éclairés, pour moi n'arrive toujours pas à démonter la magie et le mystère de Macarthur Park. Certes, j'entendais bien qu'à un moment où un autre, la chanson évoquait une "recipe", une recette, mais le reste était en yaourt. Ce qui était de bon aloi. Je ne savais donc pas que quelqu'un avait laissé le gâteau sous la pluie. Toujours est-il qu'à mon avis, le yaourt est une langue qui devrait être exclusivement indiquée pour certaines chansons.

Macarthur Park en fait partie.



La voici en entier, sur les images du vrai Macarthur Park à Los Angeles où, parait-il, Jimmy Webb allait se balader avec sa copine. Car, au fait, il ne s'agit que d'une chanson d'amour.









in: Gloomy moday

vendredi 18 juin 2010

Le "deuxième sexe" au stade




A Paris, gênés aux encoignures par quelques groupes violents et radicalisés, les dirigeants du PSG ont décidé d'"inviter" les femmes à venir embellir les gradins du Parc des Princes. L'occasion pour le deuxième sexe de fouler un territoire qui demeurait depuis la nuit des temps chasse gardée par le sexe opposé. Reste à savoir quel accueil les supporters, qui squattent habituellement les tribunes d'Auteuil et de Boulogne, feront à ce public en talons.

Qu'ils se souviennent pourtant que pendant la coupe du Monde en 1998, les femmes ont su être des supportrices de charme sans être ridicules. Enthousiasme, bon esprit et féminité se sont efficacement conjugués pour que la fête soit plus folle. Au moment où la France vient juste de se voir attribuée l'organisation de l'Euro 2016, il nous reste quelques années pour que les femmes aillent au stade comme chez le coiffeur.

A Montluçon par exemple, on a déjà sauté le pas, puisque le club local a gratuitement ouvert ses tribunes aux femmes dès le mois de février dernier.

A Alger, en mars dernier, les femmes ont cru qu'elles y étaient enfin arrivées au stade... de l'égalité de traitement avec les hommes. 6 000 places leur avaient été réservées à l'occasion d'une rencontre amicale avec la Serbie, déclenchant une vague d'enthousiasme dans la population féminine. Des groupes pro et anti-femmes au stade ont même vu le jour sur Facebook. Elles ont fait le déplacement accompagnant leur mari, entourées de leurs enfants. Mais être une femme dans les gradins, peut-être était-ce trop d'égalité d'un coup : accueil inexistant, bousculades, aucun égard pour les familles qui ont dû jouer des coudes pour assister au match ou simplement ne pas se faire piétiner.

Décidément, le stade sera-t-il la prochaine conquête sociale de la femme dans le monde ?


Retrouvez un autre article sur le même sujet dans Bakchich Hebdo n° 27 "Meufs au stade... dans la panade".

mardi 15 juin 2010

La Gauche et Nous… et aussi Uzès et Edgar Morin from Grégory H





Difficile de ne pas être d’accord avec l’idée que nous sommes actuellement dans une phase régressive de notre histoire, comme le dit Edgar Morin.

Partant de cette idée, on peut lire aujourd’hui toutes sortes de commentaires et d’analyses sur les causes de cette régression sociale et sociétale et les propositions pour en sortir. On voudrait voir frémir un vent nouveau, il se fait attendre.

Heidegger évoquait déjà l’idée que depuis la révolution industrielle, le libéralisme transforme l’individu en un couple producteur /consommateur au détriment de l’être.

La Gauche depuis lors s’est surtout évertuée à diminuer les effets néfastes du capitalisme grandissant sur les couches sociales ne détenant pas le capital. Son action pendant les trente glorieuses, sous des régimes de Droite, a été moins déterminante, du fait d’un certain équilibre entre le travail, le revenu du travail, et l’accès à la consommation du confort et du loisir pour le plus grand nombre.

Si l’on situe la fin de cette période dite prospère à 1973, nous pouvons émettre l’idée que nous serons bientôt à notre quatrième décennie de crise, une crise qui a connu des pics et des creux, et qui n’a jamais été aussi forte que ces dernières années et particulièrement dans l’instant présent.

Encore faudrait-il s’entendre sur le contenu de cette crise qui n’est pas forcément une crise économique subie à en voir les résultats des sociétés et les revenus du patrimoine pendant ces 40 années. Une crise politique ?



L’individu est désormais un producteur duquel on exige toujours plus, un consommateur qu’on sollicite par tous les moyens y compris les moins légaux et les plus amoraux. La technique et la science, qui nous ont été « vendues » comme notre progrès commun se révèle également être à l’origine de notre désoeuvrement, écologique, social, économique.

Les mouvements de Gauche, qui ont à juste titre dénoncé les dérives des politiques libérales et capitalistes, ne sont pas capables aujourd’hui de nous proposer un modèle de société, ou, encore selon les termes du même Edgar Morin, l’élaboration d’une Voie. On cherche en vain les idées, l’utopie réaliste, le lien avec la population.

De fait, ils se sont malheureusement éloignés à tel point de la population de gauche que finalement ce peuple de gauche semble avoir disparu.

Quel représentant politique ou élu dit progressiste accepterait en effet de fournir un travail mensuel pour un salaire de 1 100 € net mensuel, qui est le salaire médian des employés non-cadres, et le salaire de la plupart des employés à plein temps du Gard et d’ailleurs ? Quelle réponse apportent-ils à cette question ? Nous disent ils « il n’est pas possible de construire une société dans laquelle le fruit du travail permette une vie décente pour le plus grand nombre, voire pour tous » ou encore « oui, cela est possible » et dans ce cas quelles sont leurs propositions ?

Au-delà des quelques pistes de bon sens de quelques penseurs, dont Edgar Morin, qui nous suggère une Voie qui permette d’associer la progressivité du réformisme et la radicalité de la révolution, on peut se demander quand l’action prendra le pas sur l’intention. Des initiatives indépendantes permettent d’apporter des débuts de solutions locales, mais restent isolées les unes des autres. L’économie sociale et solidaire (ESS) se développe et pourtant ne s’affranchit pas des schémas de l’économie libérale, proposant le plus souvent comme chez les institutionnels des salaires faibles pour des qualifications élevées, qui ne valorisent pas la ressource humaine et préfère utiliser les budgets disponibles dans des postes comme la communication, les frais de représentation, et tant d’autres dépenses dont la valeur ajoutée n’est pas démontrée. Pendant ce temps, la précarisation du travail s’accroît. Et le pouvoir d’achat, quels que soient les chiffres qu’on nous vendent, diminue pour la plupart des salariés et sans emploi. L’augmentation du nombre de personnes vivant en deçà du seuil de pauvreté en atteste.



Il serait peut être alors préférable d’envisager une politique « d’expérimentations de proximité », faisant appel aux projets réellement innovants issus notamment de la société civile et permettant de développer des micro-modèles qui auront fait leur preuve, en matière d’insertion et d’emploi notamment. L’Uzège, dont fait partie Uzès, microcosme social et économique, réunit à lui tout seul les caractéristiques de cette régression et est un miroir du contexte national. Ici aussi on voudrait voir frémir un vent nouveau, il se fait attendre, sans qu’aucun début de solution ne nous parvienne.


Grégory H





in: La part du fabulateur

lundi 14 juin 2010

Let's fall in love (again)

Ce qui frappe à la première écoute, c'est la voix, mâle et chaude, bien posée. On ne peut s'empêcher d'être surpris. On s'attendait à entendre l'album d'un acteur qui a décidé de faire chanteur et on tombe sur l'album d'un chanteur.

« C'est arrivé une nuit. Je dînais avec Johnny Hallyday. On n'avait pas le moral tous les deux. On a parlé jusqu'à deux heures du matin. A la fin, il m'a dit : "J'aimerais une chanson qui ressemble à notre conversation." Je suis rentré et j'ai écrit Ma vie. »

Si Bruno Putzulu se lance dans une carrière de chanteur, ce n'est ni par calcul, ni dans une volonté de se recycler, ni même encore pour toucher un plus large public. Déjà dévoré de l'intérieur par la brûlure des planches et de la caméra, le garçon semble avoir été happé, malgré lui, par une évidence. Doué pour les mots, ils les mâche, les avale, les vit et les transcende. A présent qu'il les a apprivoisés, il les couche sur le papier et les fait danser. Drôle de monde, douze chansons, dix textes, deux reprises et deux musiques pour décrire le mal-être, l'amour qui s'en va, l'amour qui revient, l'enfance qui fait mal, l'amitié toujours plus forte.

« Je me suis aperçu que j'aurais envie de chanter ce que j'écrivais. Le chant a un rapport étroit avec le théâtre. Dans les deux cas, il s'agit d'interprétation. »

Ce qui touche ensuite, c'est la sincérité du propos. Pas de top des charts en ligne de mire, pas d'étude de marché sur des publics plutôt jeunes ou plutôt féminins. Pas de jive techno, de rengaine fuzz, de bridge psyché, quelques uns des éléments obligés pour finir en pub pour un opérateur de téléphonie mobile ou une marque de voiture. Le bonhomme se ressemble et celles et ceux qui l'ont découvert avec plaisir dans les films de Tavernier, Godard, Jacques Audiard ou Mocky, le retrouveront tel qu'en lui-même. A peine surpris peut-être de constater qu'il chante bien, en plus, le bougre.

Il n'empêche qu'on tape tout de même du pied, qu'on ondule du bassin, qu'on se laisse enivrer par la voix et les musiques. D'une couleur plutôt nostalgique, entre le bleu et le gris, Drôle de monde frôle parfois le noir non sans cynisme sur Poupée à fric, non sans humour et dérision sur Cupidon pardon, non sans délicatesse sur le titre éponyme.

D'une valse qui voit tanguer L'amour à un Ami qui n'est pas sans nous rappeler le Jeff de Brel, d'un Tchecker, tchecker, tchecker qui taille la route la fleur aux lèvres à un Quand j'étais p'tit cristallin et taquin, l'auteur et le compositeur ont délibérément misé sur l'émotion, la tristesse et une gaîté revendiquée qui balaye les peines d'un haussement d'épaule joyeux avant le retour des larmes.

« Je suis heureux d'avoir été jusqu'au bout. Cela provoque une grande joie chez moi. Tant mieux si les gens aiment cet album. De toute façon, je suis prêt à le défendre. Je sus plein de désir même après vingt ans de métier. »

Chaque chanson est un petit bijou sculpté avec la conscience, le savoir-faire et l'amour de l'artisan. A noter un sublime duo avec Elsa Lunghini sur une reprise d'une chanson d'Yves Simon J't'aimais j't'aime plus.

Ce Drôle de monde est décidément un album pour (re)tomber amoureux.







in: Gloomy monday

jeudi 10 juin 2010

Cette petite fille sur la photo

Comme des mots de rien, lancés comme des cailloux contre des fenêtres.

Comme des mots de rien, dits les yeux levés au ciel, dans un profond soupir de détachement.

Comme des mots de rien, acérés comme des poignards qui fendent des peaux de rien.

Les mots sont nos ennemis intimes les plus précieux. Ceux qui disent tout, tout en sachant ne rien dire. Ceux qui frappent avec des fleurs, serrent avec des sourires, tranchent avec des baisers. Les mots disent l’endroit et l’envers, taisent les silences et les font résonner de plus belle, aiguisent les angles et arrondissent les comptes.

C’est donc tout naturellement avec Des mots de rien, que Garance, la petite fleur qui crache du rouge, nous fait partager l’enfance, l’adolescence, l’amour envers et contre tout, envers et contre le non-amour, l’oubli d’amour, la paresse d’amour. Récit cruel, autofictionnel ? Premier roman de qualité, inventif et original. La jeune auteure choisit de se raconter à travers les autres, l’air de ne pas y toucher. Comme un jeune modèle qui se laisse peindre, dépeindre, repeindre, et dont les lignes incertaines sont gommées d’une main rageuse, appuyées à gros traits, en pointillé, disparaissent marquant le papier, elle patiente, sait qu’elle finira par apparaître. Chaque chapitre est prétexte à une nouvelle pose, un nouvel angle, une nouvelle lumière.

Garance a choisi de dessiner son héroïne à travers les surnoms qu’elle a portés, des attributs dont l’on vous affuble en vous demandant rarement votre avis. Ces surnoms, diminutifs, petits noms sont autant de stigmates qui en disent aussi long sur une existence que les petites cicatrices aux genoux. Un chapitre, un surnom, de "Dine" à "Mademoiselle S", de "Sansan" à "Souillon", Garance dénonce, défend, revendique, affirme page après page sa liberté endémique, galopante, effrénée.

Mais si le nom que l'on porte peut évoquer, comme je le pense, certains traits de notre caractère, Garance nous apprend qu'un surnom, un sobriquet en dit long par ailleurs sur celui qui le donne. Ainsi, chaque petit nom porté par l'héroïne devient prétexte à un portrait cocasse : du grand-père au petit voisin, de la grand-mère à la copine de bahut, de la tante au beau-père.
« Cosette entend certaines choses parfois. "Grosse vache", "Connasse", Vieille peau", "grosse paysanne flasque"... Et elle est bien contente qu'il ne l'appelle que Cosette finalement. »
Chaque surnom parle des autres en creux. Une galerie sans concession, ni condescendance. Jamais de misérabilisme, plutôt la froide analyse d’une laborantine qui dissèque jusqu’à l’os même si le sujet souffrant est elle-même. Car alors, c'est une douleur froidement évoquée, comme si la narratrice, qui n'est ni tout à fait Garance, ni tout à fait une autre, avait la faculté de se dédoubler, de sortir de son propre corps pour se regarder.

Tout avait pourtant commencé comme dans un conte de fées. Il était une fois un roi, une reine et une petite princesse blonde aux yeux bleus qui souriait beaucoup. Cela commençait bien, cela commençait par "poupée". Mais un peu comme dans la chanson de Téléphone, l'histoire vire au noir lorsque le roi boit, la reine ramène des beaux-pères proches de l'à-peu-près entre deux dépressions et les princesses dauphines grandissent et ravissent le peu de tendresse qu'il y a se partager. Du conte de fées au compte des faits, violents, mutilants mais riches en humanité, en vitalité, "poupée" deviendra "mon coeur" à travers le récit exact de l'enfance qui ne s'oublie jamais. Au fil des pages, l'héroïne marche vers la femme qui se dessine entre une mère-enfant qu'il faut faire vomir avant de la mettre au lit et des soeurs adorées et haïes.

On serre les poings avec elle, des poings enfoncés dans les poches pour les cacher, à les crever. La petite fille encaisse, et nous avec. Parfois les larmes montent, souvent l'on sourit devant la verve de cette plume bien embouchée. On se laisse surtout embarquer par ces mots de rien qui font tant de bien à lire, d'une poésie souvent juste. Pour Garance, les mots sont des armes qu'elle manipule avec l’enivrement d'une adolescente qui vient d'abandonner ses jouets. Un livre en colère, mais d'une colère saine, une colère-moteur qui essaime la vie, la faim et la soif plutôt que la satiété et l'apaisement.


Comme des mots de rien..., Garance. TheBookEdition. 15 €.
Commandez le ici.




in: L'ivre

mardi 8 juin 2010

Chronique du machisme quotidien from POLA X

Voici le texte de POLA X dont je ne sais rien, reçu dans ma boîte aux lettres il y a deux semaines. Je tiens à la remercier vivement d'avoir souhaité participer à Mes petites fables en devenant fabulatrice et lui faire savoir qu'elle peut m'envoyer d'autres textes quand elle veut. Car cette rubrique est la sienne, tout comme elle est la vôtre...



Le machisme c’est un homme qui sort souvent et qui trouve normal que sa femme reste à la maison avec les enfants.

Le machisme c’est un homme qui reste à la maison avec les enfants et qui râle quand sa femme tarde à revenir.

Le machisme c’est un homme qui ne débarrasse jamais son bol le matin, ni son assiette le midi ou le soir.

Le machisme c’est un homme qui, le matin, fait remarquer à sa femme qu’elle n’a pas débarrassé le dîner de la veille.

Le machisme c’est un homme qui fait remarquer à sa femme que c’est lui qui emmène les enfants à l’école.

Le machisme c’est un homme qui regarde les infos affalé dans le canapé pendant que sa femme fait le dîner, se dit qu’elle doit mettre la table tout en programmant la machine à laver.

Le machisme c’est un homme qui reproche à sa femme de se coucher tard quand elle dit qu’elle est fatiguée.

Le machisme c’est un homme qui dit qu’il n’a pas besoin de la Saint-Valentin pour offrir des fleurs à sa femme et qui ne lui en offre jamais.

Le machisme c’est un homme qui, l’air câlin, dit à sa femme : « J’ai fait ta vaisselle ! ».

Le machisme c’est un homme qui demande « Qu’est-ce qu’on mange ? ».

Le machisme c’est un homme qui hausse les épaules en disant « Je sais pas » quand sa femme lui demande « Qu’est-ce que tu veux manger ? ».

Le machisme c’est un homme qui, le matin, cherche LE t-shirt noir et qui fout en l’air la pile de t-shirts blancs et de t-shirts gris amoureusement pliés.

Le machisme c’est un homme qui regarde sa femme l’air courroucé en disant « Pourquoi les enfants ont des poux !? ».

Le machisme c’est un homme qui ne sait pas qu’il est macho et qui le vit très bien.


POLA X



in: La part du fabulateur

lundi 7 juin 2010

Le Gloomy Monday de Mcflee

Mes 15 ans, l’Amour, l’été de ma vie qui touche à sa fin.

Je prends cette chanson en pleine gueule. Elle s’appelle Julie. Les vacances. Un feu sur la plage, premières bières, premières clopes. La fille en face. Le coeur qui bat plus vite. Accrocher son regard. Et la machine infernale qui s’emballe dans la tête. Je suis James Dean, non,Romeo, non. Je sais plus qui je suis. La danse de nos yeux, mes efforts pour me rapprocher, glisser sur le sable. Et le coeur qui bat plus fort.

J’peux pas parler, j’veux pas parler. Si je parle, ça sera moins beau. Si je parle, ça sera moins pur. Sa main, fouillant le sable. Ma main, attisant le feu. Le feu qui me monte aux joues. Le feu qui embrase ma gorge quand mes doigts effleurent les siens. Et le coeur qui bat plus vite, qui bat plus fort. Nos mains se serrent. Pas un mot. La tête dans le coton, les oreilles qui bourdonnent. les autres au ralenti, en fond sonore. Les autres, disparus, envolés. Juste elle et moi, pour toujours. S’isoler. L’urgence d’aimer. Comme si ma vie en dépendait. Gestes maladroits. Gestes vrais, sans calcul. Sa tête dans mon cou. L’aube qui éclaire l’ instant déjà passé. Fini l’Amour, finies les vacances. Partie, Julie.

25 ans après. Je me souviens. Avec tendresse. Et j’ai le coeur qui bat plus vite, qui bat plus fort.





Retrouvez Mcflee sur son blog, c'est-à-dire dans sa taverne.




in: Gloomy monday

mercredi 2 juin 2010

Palestine

Hier je disais que lorsque j'avais vu l'abordage de la flottille de la liberté, j'entendais " Ne vous mêlez pas de cette affaire !" de la part des Israéliens. Certaines personnes n'ont pas été d'accord avec moi, certaines d'entre elles ont entendu "Nous avons la force et nous agissons de manière brutale !" Cela est peut-être vrai aussi mais tout n'est pas si simple. J'ai brièvement évoqué dans mon billet précédent le schéma quasi névrotique dans lequel se trouvent l'opinion publique et le gouvernement en Israël. Cette fuite en avant semble n'avoir pas de fin. Lors de son récent passage en France, le journaliste israélien Gideon Levy l'avait particulièrement analysé et expliqué (lire mon article paru sur le site de Bakchich).

Plus que tout autre conflit dans le monde, plus que la Tchétchénie, le Rwanda, l'ex-Yougoslavie ou l'Irlande, pour ne prendre que ces quelques exemples, le conflit en Palestine est l'objet d'une attention constante, et ce de par le monde. C'est un conflit qui parle à tous, qui s'est ancré dans l'imaginaire mondial, qui soulève inlassablement, depuis des années, les mêmes questions, les mêmes débats, les mêmes indignations. Cela va bien au-delà de la connivence religieuse ou culturelle, de la proximité géographique, d'une histoire commune. Cela passe souvent par la jeunesse qui a si souvent besoin de se mettre en colère. Cela passe aussi par la reconnaissance d'une souffrance.

La Palestine cristallise toutes les colères, insinue toutes les résistances, ranime toutes les souffrances. La Palestine est la terre des gens qui veulent rester debout. Impossible pour l'Etat israélien de suggérer que cette affaire n'est que la leur, quand, on le voit depuis le début de cette semaine, spontanément et unanimement, face à l'irrationnel, la rue s'est emparée de la Palestine.

« (...)
Dans quelques heures, le dernier set, crucial, commencera quand nous entrerons dans les eaux de Gaza. Bien sûr, matériellement, il serait très facile pour Israël de nous stopper et nous arrêter, mais le coût politique qu’ils auront à payer sera énorme. Vraiment énorme, à tel point que toutes les ruses et les pièges qu’ils ont tenté de mettre sur notre route ont réussi à faire une seule chose : sensibiliser de plus en plus de gens partout dans le monde sur notre flottille et sur la situation de Gaza. Et de tout ça, nous apprenons quelque chose : la peur n’est pas de notre côté, mais du côté d’Israël. Ils ont peur de nous parce que nous représentons la colère des gens tout autour du monde. Les gens qui sont mécontents de ce que l’Etat criminel d’Israël fait aux Palestiniens et à chaque amoureux de la paix qui ose prendre le parti des opprimés. Ils ont peur de nous parce qu’ils savent que, dans un proche avenir il y aura encore plus de bateaux à venir à Gaza comme il y a de plus en plus de personnes à décider de boycotter Israël chaque jour. »
Thomas Sommer-Houdeville, coordinateur de la campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien (ccippp), le 29 mai 2010 depuis l’un des bateaux de la flottille de Gaza.








in: The world is crying out loud

mardi 1 juin 2010

Jour de colère

Colère, je n'ai que ce mot à la bouche, après avoir appris ce qui s'est passé dans la nuit, au grand large de la bande de Gaza. Ce qui aurait dû être une tentative avortée de plus pour crever le blocus, pour interpeler la communauté internationale sur le sort d'un million et demi de personnes qui survivent au lieu de vivre, est devenu en une nuit et une journée une image rouge sang, un symbole, un Exodus à l'envers disent aujourd'hui les commentateurs.

Hier la colère. Aujourd'hui la colère et la consternation.

Ne soyons pas naïfs, ne faisons pas semblant de ne pas savoir que, peut-être plus encore que la Marche pour Gaza en janvier 2010, cette opération était un défi lancé aux autorités militaires israéliennes. Fidèles à leur credo, ne jamais céder un pouce de volonté devant l'ennemi, elles ont enclenché la phase dite d'auto-défense, à savoir l'attaque.

Que cela se soit passé dans les eaux internationales, avec la brutalité que l'ont sait, en direction de civils parmi lesquels, des militants pro-palestiniens c'est un fait, mais aussi des humanitaires, des politiques, des intellectuels, visait, à mon sens, à dire une chose au monde : « Ne vous mêlez-pas de cette affaire ! » ou en d'autres termes, non à l'ingérence sous toutes ses formes.

Jusqu'à présent, on peut dire que l'immobilisme le plus absolu a été scrupuleusement respecté par la communauté internationale qui a pris acte de ce blocus totalement illégal.

Informés de la progression de la flottille de la liberté vers Gaza, les gouvernements du monde l'étaient tous. S'en sont-ils émus, se sont-ils inquiétés pour la sécurité de leurs ressortissants respectifs ? Ont-ils, en prévention, lancé des appels au calme en direction d'Israël ? Ont-ils protégé leurs concitoyens ?

Depuis Rachel Corrie, jeune militante américaine pour la paix, qui avait voulu empêcher un bulldozer de détruire une maison à Rafah en se tenant debout devant, depuis sa mort, nous savons que la nationalité américaine, française ou turque ne protège personne de la logique de guerre de l'armée israélienne, et que rien ne saurait protéger les corps des militants contre sa furie. Ironie d'ailleurs de savoir que l'un des bateaux faisant partie de la flottille de la liberté portait le nom de Rachel Corrie.

Impossible de croire que des commandos supposés entraînés au combat, à la riposte et à l'embuscade aient été surpris par la violence des militants assaillis. Vue d'ici, cette opération ressemble à une mission des Pieds Nickelés.

Tout le monde note aujourd'hui la logique infernale dans laquelle est enfermé le gouvernement israélien. La menace provoque la réplique immédiate. Hier, juste après les faits, le journaliste américano-israélien Bradley Burston écrivait sur son blog : « Une guerre dit à un peuple de terribles vérités sur lui-même. Voilà pourquoi il est si difficile de les entendre. (...) Nous ne défendons plus Israël. Nous défendons le blocus qui est en train de devenir le Vietnam d'Israël. » Et d'expliquer plus loin cette logique infernale : « Ils (le Hamas et l'Iran) savent, comme le disait la chanson sur la guerre du Liban ("Lo Yachol La'atzor Et Zeh") que, incapables de nous voir avec lucidité, nous ne sommes plus capables de nous arrêter. »

Personnellement, j'attends que cette logique prenne fin.



in: The world is crying out loud