La voiture se gare doucement sur le parking. Le temps d'un coup de fil, quelques éclats de rire et des trombes de pluie se mettent à dégringoler du ciel. Temps froid et orageux dans le gris ombré de soir devant l'Omnibus.
LA salle rock de Saint-Malo fête ses 5 ans ce soir. Mais moi je ne suis que de passage. L'Omnibus, avant hier, je ne connaissais pas. Hier, j'ai vu le visage torturé de Daniel Darc sur une affiche, en voiture, en tournant la tête par hasard.
Ni la drogue, ni la prison, ni la solitude n'auront empêché Daniel Darc de chanter, d'être sur scène, d'écrire encore... cette poésie aux accents lugubres, tant de douceur, d'affleurements, de rage ténue. D'abord sobrement vêtu d'une veste noir, il laisse bientôt apparaître les tatouages qui lui habillent les bras. Comme il a changé, comme il a l'air chétif et approximatif entre les chansons, certainement à la faveur de quelques bières. En plus, il a le mauvais réflexe de parler sur les applaudissements destinés à la chanson précédente. Qu'importe. C'est Daniel Darc. L'homme a la poésie intacte, un peu crade. Le frémissement est là, plus juste qu'avant, parce qu'entretemps, il y a eu la vie.
Les titres phares des deux derniers albums s'égrennent les un après les autres. Avec un plaisir malin et érudit, il glisse des références aux Doors, dont il inclut des pans de chansons entiers dans les siennes, à Janis Joplin, aux Rolling Stones, à Chet Baker. Avant de chanter J'irai au Paradis, il explique que lui appelait cette chanson J'ai creusé un trou. J'avoue, je n'ai toujours pas acheté Amours suprêmes, mais ce soir, je les ai bien écoutées, ça vaut autant de le découvrir sur scène. Puis, une version rock de Nijinsky est arrivée. Sublime. Avant de reprendre N'importe quel Soir de Taxi Girl, il raconte qu'il a écrit cette chanson avec un Afghan qui a produit Magma... ou alors j'ai rien compris.
Il est tendre, il est glissant, il est brumeux, il n'est jamais meilleur que lorsque le rock s'empare de lui, soutenu par une fameuse bande de morveux qui ont le lait qui leur sort encore du nez.
Il revient pour une reprise endiablée de Cherchez le Garçon. Deuxième rappel, il se pose, il s'installe, il murmure, il caresse, il pleure. Et moi qui suis descendue des gradins, qui m'approche et qui m'approche, comme attirée par cette lumière rouge, qui m'approche avec le portable puisqu'on m'a confisqué mon appareil photo, qui m'approche pour le voler, c'est le moment où il ouvre ses yeux dans les miens. Interminable instant, il ne cille pas, il me regarde et je sens que je ne vais pas tenir très longtemps à le regarder aussi intensément, mais je soutiens. Jusqu'à ce que, ouf, ses paupières se baissent...
...Bon, je mens, ça ne s'est pas tout à fait passé comme ça. Mais je ne suis pas obligée de dire toute la vérité non plus.
De son propre aveu, le concert n'était pas terrible. Du mien, ça a suffit à mettre le feu. Un Daniel Darc un peu alcoolo, pas très en phase, un peu au large, toujours plus rock qu'en vinyl ou en cd, c'est toujours un pied dans la flaque et des éclaboussures plein la tête. Ce sont des chansons susurrées avec amour, avec douceur, c'est sa voix d'adolescent qui ne vieillit pas.
J'avais peur d'être déçue, car oui j'étais amoureuse de Daniel Darc quand j'étais ado, bien qu'il fût fou. En sortant, je me suis rendue compte que je l'aime encore.
1 commentaire:
Une page de vie dans toute son intensité, merci
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