lundi 28 février 2011

Like a Monday

Pour un Gloomy Monday entre deux portes et un invité de marque la semaine prochaine, voici une jolie vidéo piquée sur le site du Charivari. Wise Blood soigne notre B.I.G.E.G.O sur des images de la délicieuse Coco qui s'est prêtée au jeu et au talent fou de Sarah et Camille.

Une vidéo bien moins inquiétante que celle qui a été officiellement prévue pour le surdoué de Pittsburgh, chantre d'une éléctro-noise-rock, et qui n'est pas sans distiller quelques réminiscences d'un certain Black Swan.




Êtes-vous prêts vous aussi à charivarir ?










in: Gloomy monday

dimanche 27 février 2011

Les yeux grands fermés

Voir une femme complètement nue dans un film américain, c'est tellement rare qu'on a le droit de mentionner le fait dans la rubrique "sexe" de Mes petites fables. Généralement, on voit des couples se déshabillant et s'enlaçant en contre-jour, ou bien Madame garde son soutien-gorge pour sa partie de jambes en l'air, et Monsieur, bien entendu, ne prend pas la  peine de baisser son pantalon.

Eyes Wide Shut ©  Warner Bros.
Le nu à l'écran, il a osé, à la fin de sa carrière et à la fin de sa vie, dans le film où il a utilisé l'icône glamour du moment, les Kidman-Cruise du temps de leur splendeur. Dans Eyes Wide Shut, le lubrique Kubrick explore les bas-fonds de l'inconscient d'un couple, qui seront prétexte à des tableaux léchés, un peu trop chastes alors qu'ils visaient la débauche et la luxure. Tant qu'ils en frisent même le ridicule. Définitivement, l'une des scènes les plus réussies et qui restera forcément dans l'imagerie cinéphilique, celle de Nicole à oilpé devant son miroir en train de se déhancher lascivement, juste avant que Tom Cruise, le mâââââle dans toute sa banalité, ne la saisisse par le cou et lui emberlificote la langue goulûment. Délicieux ces petits regards de côté, tout en s'amalgamant, pour vérifier que Nicole est bien toujours Kidman, la plus belle en son miroir.






in: The closer I get

mardi 22 février 2011

Les mots qui assassinent

Pas le temps pour un Gloomy Monday cette semaine. Ce sera donc un Gloomy Tuesday.




L'une des dernières prêtresses rock de l'ère moderne est de retour et rien que ce fait mérite d'être mentionné. PJ Harvey avec sa grande bouche en flammes et ses yeux de braises vient de commettre un Let England Shake des plus incisifs. Dans cet album, elle fait l'amour à l'Angleterre, qu'elle roule par terre, qu'elle travaille au corps, qu'elle lape à grands coups de baisers avides, qu'elle boit, qu'elle recrache, qu'elle désire, qu'elle crie et gémit.

Une England sombre qui triture et qui meurtrit.

Pendant féminin de Nick Cave, la fantasque et insaisissable Polly Jane, qui préfère se prénommer par ses initiales, habite déjà l'espace musical ambiant, les ondes, les ipods, depuis la sortie de ce nouvel album, avec raison, force et détermination. Sa voix fait un peu moins mal, écorche moins pour caresser plus, mais perfore encore.







in: Gloomy tuesday

dimanche 20 février 2011

Le courrier - II (dernière partie) from Zoé Cyrano

Ce soir, tout sera dit. Ce soir, vous saurez tout de ce qui va arriver à la narratrice. Elle a accepté de jouer à un jeu dangereux avec une inconnue qui semble très bien la connaître. Jusqu'où cela va-t-il l'entraîner ? Conviée à un rendez-vous en pleine nuit dans un endroit secret, elle décide de s'y rendre.



Photo © James Nord




A peine m'étais-je engagée dans la rue de mon rendez-vous, que mon mobile laissa échapper un discret jingle. Envoyé bien sûr anonymement, un sms m'indiquait le code d'accès du portail, elle était décidément extrêmement bien renseignée, ou du moins bien préparée, mon numéro n'avait rien de secret mais ce message semblait resserrer d'encore un cran le lien qui me soumettait à sa volonté. Le code composé, la gâche électrique s'ouvrit dans un claquement sec, puis je me dirigeai sans hésiter vers une porte métallique (...)

Après un temps, il tira d'une poche un foulard noir qu'il me tendit tout naturellement (...)

J'eus un bref moment d'angoisse (...)





Ce texte a été dépublié dans la nuit pour ne pas choquer les âmes prudes. Si vous voulez lire la suite, envoyez-moi un mail en cliquant sur ce lien, en précisant bien que vous avez 18 ans ou plus.



Pour lire les nouvelles érotiques de Zoé Cyrano, si et seulement si, vous avez au moins 18 ans.



in: The closer I get

vendredi 18 février 2011

Antidote à l'identité nationale

Frehel, Brel, Mano Solo peuvent dormir tranquille. Le flambeau est entre de bonnes mains. Deux CD pour un premier album, deux pour le prix d'un mais surtout pour un coup de maître. Véritable antidote à l'identité nationale, ce Citoyen du Monde inocule la joie de vivre, revendique le multiculturalisme et transmet une furieuse envie de danser. Au menu, des voyages, du soleil, des étrangers, des vagabonds, de l'amour et surtout de la fraternité.

D'identité, il sera beaucoup question dans l'album de nos Saltimbanks, surtout si elle est internationale, surtout si elle unit les peuples d'en bas autour de la lutte des classes et les fait clamer le poing fermé
"El pueblo unido jamàs sera vencido" 
dans La Unidad. Le poing fermé, non de rage mais plein de fierté. Ils nous emportent avec leur musique dorée, une explosion de sons et de saveurs, comme un vent du désert qui veut vous habiller. Des rythmes enivrants qui font tourner, qui changent le gris en coloré. Jusqu'à guider nos pas vers une multinationale Jerusalem.


Pochette rouge et or, flamboyante. Des initiales : HK et des Saltimbanks qui jonglent de l'accordéon, de l'orgue, de l'harmonica, de toutes sortes de guitares, de la mandole, de la trompette et du violon. Rejeton de MAP, petit frère de Zebda, cousin de Mouss et Hakim, HK conjugue les rêves et les utopies, décline une douce folie et récite ses fabulettes urbaines sur une poésie habillée de slam et de vieille chanson française. Il se revendique Citoyen du Monde. Il se veut Enfant d'une Epoque, loup, Beatle d'occas, Troubadour. Il est surtout enchanteur et allumeur de braises. Sa chanson On lâche rien est devenue, en une après-midi pluvieuse et une vidéo, l'hymne des manifs contre la réforme des retraites.

HK et ses Saltimbanks étaient à la Flèche d'Or hier à la rencontre d'un public toujours plus nombreux qui mélange indifféremment les genres, les couleurs et les âges. Cette musique parle d'abord au corps et au coeur. Généreuse et lumineuse, elle joue la gamme du partage.                        

L'album s'ouvre sur de mystérieux Airs Nomades pour finir sur l'amère conclusion que L'Homme est un Loup. Un Salam Alaykoum qui serait une Chanson pour l'Auvergnat à l'envers. Certes, ils ont le regard qui portent loin ces saltimbanques, égrenant un rock mâtiné de reggae, haché de hip-hop, trempé de musette et ébouriffé de techno sur l'étonnant Un Air d'Accordéon samplé sur une chanson de Lucienne Delyle








Sous des dehors souriants, légers et pleins d'humour, l'album se fait aussi constat accablant de notre société. Des sans-papiers de Ta Récompense aux étrangers de Citoyen du Monde (partisan d'un monde sans frontières) 
"Il y a le bon étranger, celui que tu accueilles les bras grands ouverts / et il a le mauvais, celui que tu pourchasses dès qu'il a franchi ta frontière"
les chansons se font tableaux d'un aujourd'hui sombre frôlant le désespoir,
"Passer ma vie à crier à l'injustice et au mensonge / Passer ma vie à passer pour un fou, un parano, un étrange / Passer ma vie à m'indigner pour tout et pour n'importe quoi / Passer ma vie à radoter les mêmes mots pensés mille fois" (Passer Ma Vie)
jusqu'aux élans d'espoir proclamés par L'Homme Est Un Loup,
"Combien de Jean Moulin tombés aux mains de l'ennemi / Pour un seul Nelson Mandela, triomphant de l'infamie / RAres sont les victoires. Courts instants de répit / Mais tant qu'elles existent, on peut croireque tout n'est pas déjà écrit"
en passant par le cri d'un brûlant Tout Va Bien,
"A c'qui parait la France, c'est le pays des Lumières / Moi la lumière ils m'l'ont coupée depuis qu'j'avais plus d'quoi payer" 
pour finir sur un prophétique et hilare Niquons La Planète
"Faisons péter la couche d'ozone, rasons tout, faisons place netter. / Ne laissons surtout pas à nos mômes le plaisir de payer nos dettes"

HK à la Flèche d'Or © Martial Denais
Photo publiée avec son aimable autorisation


Et dans son show drôle et parfaitement rôdé qui nous offre une imitation de Sarkozy devant lequel il faut se baisser, une maman pleine de tendresse qui fait rire et qui fait pleurer, le public joue le jeu, danse, fraternise, rit et valse pour rire, cette danse de l'amour,
"Ma chérie que tu es belle, belle comme le jour / J'aimerai vivre avec toi la plus belle des plus belles histoires d'amour / Je t'offrirai une bague avec le plus gros des diamants / Devant les caméras on se fera un week-end à Disney Land" (Ma Parole)
et se laisse habiter par l'ambigu Air d'Accordéon qui joue sur la dualité air d'accordéon/présence masculine
"Tant pis si c'est moi qui cause / Je veux bien qu'tu m'offres que des silences (...) Et si tu sais lire sur mes lèvres / Tu m'entendras ptête dire je t'aime".


Désormais citoyen de mon coeur pour longtemps, parfait remède contre la morosité, ce Citoyen du Monde devrait être remboursé par la sécurité sociale, moi j'dis.



in: Angelina's musical fantasy

jeudi 17 février 2011

Boucherie, charcuterie, volailles. Chez F. Pimporeau, Biyuls-sur-Aisne from Grégory H

© boklm

Il s'abat dans un bruit sec cadencé, découpant les chairs et les os inanimés pour les rendre présentables et comestibles. Puis saturé de sang après avoir attendu patiemment dans son étrier l'occasion de se souiller, il regagne son encoche, arrogant, comme fier du désir assouvi. Lui, le hachoir, fait du même métal argenté que les esses et la lourde balance à aiguille posée en évidence sur le comptoir, est le symbole de l'endroit : ces boucheries datées d'une autre époque parce que conservées à l'identique depuis peut-être un demi-siècle, dont le numéro de téléphone inscrit sur le store extérieur en toile est irréel : un, deux, trois, j'irai dans les foies. Les coeurs et les côtes aussi.

L'éclairage est encore un vieux néon qui confère au lieu son décalage temporel. Bouquet de fleurs rouge sang dans la vitrine, tabliers blancs suspendus aux murs, deux énormes portes de frigo marron : autant de signes incontournables des métiers de sang. Chez F. Pimporeau, on ne cache rien. Paillasse blanchie par les incessants récurages, viande flamboyante rangée militairement, aucun désordre dans la boutique. Ici pas de mouche, surtout pas de sciure, pas de sang superflu. Une vie consacrée à l'assiette du client. 

Madame Pimporeau, car il  n'est pas concevable que ce ne soit madame Pimporeau, est à la caisse. Même attitude de rigueur, même austérité, même tenue bien mise dont le tablier, à petits carreaux bleus celui-là, est l'apparat suprême. On ne peut imaginer ne pas être accueilli par toutes les formules de politesse du commerce, on pense déjà connaître ce couple qu'on devine sans fantaisie et sans dialogue. Dans la vitrine, aux premières loges, deux demi-gigots d'agneau, identiques au point de rappeler le jeu des sept erreurs, offrent leur croupion et leurs cuisses aux passants, soumis, pattes écartées, dans la position exacte dite de la levrette. Ne leur manquent que bas résilles et talons. Aurait-on mal évalué le couple qui devient, de fait, sympathique ?

Grégory H
in: La part du fabulateur

mardi 15 février 2011

Tu ne frapperas point mon fils !

« Frapper n'est pas aimer », ce pourrait être le début d’une comptine, ou la règle d’un jeu que l’on répète à l’envi dans les cours de récré. Pour le moment, ce n’est encore que le titre du livre de Natacha Henry. Non frapper n’est pas aimer, et c’est dès le plus jeune âge qu’il faudrait apprendre cette maxime pour que cette jeune femme ne s’entende pas dire au téléphone : « je vais te dégommer, tu vas voir... », pour que cette maman n’ait pas de bleus sur les bras, pour que cette voisine ne reçoive pas une chaise au visage pour avoir fait déteindre une chemise au lavage ou que cette autre n’ait pas la tête cognée contre le mur pour avoir épluché les pommes de terre trop épais. Une violence qui saisit bien souvent ses victimes, les « sidère », les immobilise et les emprisonne dans leur corps meurtri, dans leur tête et leur amour propre blessé, dans leur vie sociale. « J'ai voulu démonter le système qui fait qu’une femme ne sait pas comment partir, expliquer qu'il est très difficile de changer de situation, de changer de vie, quand on a des enfants. C'est dangereux ! » Effectivement, en France, une femme en meurt tous les deux jours et demi.

L’auteure analyse d’une façon très vivante les mécanismes de cette violence. « Mon propos est de dénoncer l'installation d'une dictature,» explique Natacha Henry. « Car pour moi, c'est une dictature. Ça se passe comme une dans une dictature. On fait croire à la victime qu'elle est complètement folle, on la rend complètement folle. On l'isole de toute relation sociale, on la confine, on traque absolument toutes ses relations, toute sa correspondance, on surveille ses mouvements, on entrave sa liberté de circuler, de penser, de s'exprimer. Et de temps en temps, on exerce une intimidation par la force physique qui peut aller jusqu'à la torture. » Elle dénonce aussi les mécanismes au sein de notre société qui permettent à cette violence de s’installer si facilement. Installée dans un foyer d’accueil pour femmes battues, elle a écouté les survivantes, les a vues se redresser. Elle s’est attachée à saluer celles et ceux qui mènent ce combat au quotidien, permanents d’associations, médecins, policiers. « Ce livre montre que les ringards, ce ne sont pas nous mais les autres. Que ce sont tous ceux qui raisonnent en termes de rapports de force qui doivent changer de mentalité. » Déclarée Grande Cause Nationale en 2010, la lutte contre la violence faite aux femmes s’est dotée cette année-la d’une loi plus protectrice pour les victimes. Mais le chemin est encore long avant que l’on cesse une bonne fois pour toute de traiter ces femmes comme des victimes alors qu’elles sont des personnes qui ont des droits. Long encore pour, qu’enfin, l’on considère que « frapper n’est pas aimer », cela commence dès le plus jeune âge.

Frapper n’est pas aimer, Natacha Henry. Denoël, 2010.


(Propos de l'auteure recueillis par Angelina)



in: L'ivre

lundi 14 février 2011

Some dreams should never come true*

Pour ce "Y a pas de mal à se faire du bien" (8), une vidéo du lundi sépia et nostalgique. Hommage à un été 2010 enchanteur et à quelques dizaines de milliers de statuts qui ont éclairé une page de ma vie d'un vert émeraude.






Do have a good week!












in: Gloomy monday

dimanche 13 février 2011

Le courrier - II (deuxième partie) from Zoé Cyrano

Que va-t-il arriver à notre narratrice. Suite à l'envoi de clichés ne cachant rien de son "intimité" à une correspondante inconnue, elle a reçu une mystérieuse invitation la conviant à un énigmatique rendez-vous où elle doit se rendre la nuit, en jupe et entrer dans une pièce sans allumer la lumière, pieds nus. Zoé Cyrano mène la danse et le suspens et retient nos ardeurs de main de maîtresse.



© Olivier Pilate
http://www.opphotographie.book.fr/




Je reposai la lettre, à moitié incrédule, le souffle coupé et le cœur battant à tout rompre. Ca n'était pas prévu comme ça, mais alors pas du tout, et enfin pour qui se prenait-elle pour s'immiscer dans ma vie de manière aussi brutale, et... ce qui m'effrayait plus que tout, comment savait-elle mon adresse, l'hypothèse la plus plausible étant bien sûr qu'elle l'avait toujours sue, le coup avait été patiemment monté de main de maître, et une de mes connaissances tenait donc en sa possession une série de photos des plus intimes, révélant des facettes de ma personnalité dont je n'avais même pas conscience un mois auparavant. Il me fallait réfléchir, et vite.

De fait, plusieurs jours s'écoulèrent sans que j'aie pu vraiment me prononcer sur les suites à donner ou non à cet encombrant courrier. On était déjà vendredi et je ne pouvais arriver qu'à la même conclusion, à laquelle je ne parvenais pas non plus à me résoudre... prise au piège comme je l'étais, je sentais que je ne pouvais qu'obéir, et avouons bien franchement que j'en mourais d'envie, prise autant de curiosité que d'excitation, et j'en vins bientôt à attendre avec impatience que vienne enfin le soir suivant. Je m'effondrai dans un sommeil sans rêves, puis le samedi passa comme un éclair.

L'heure enfin arriva, et même un peu trop vite à mon goût, je ne me sentais pas prête. Le lieu indiqué se trouvait à un peu moins d'une demi-heure de chez moi, il était juste temps de partir. J'avais bien sûr essayé de repérer l'endroit quelques jours auparavant mais sans succès, un large portail fermé me barrant l'accès à une cour intérieure par laquelle il me faudrait pourtant passer. J'avais le plan en main, je portais bien une jupe comme expressément demandé, il ne me restait plus qu'à plonger une fois de plus dans l'inconnu. Je me sentais étrangement calme, la nuit ne fit de moi qu'une bouchée.

La semaine prochaine, vous saurez tout...


Pour lire les nouvelles érotiques de Zoé Cyrano, si et seulement si, vous avez au moins 18 ans.


in: The closer I get

vendredi 11 février 2011

« La diplomatie française est-elle capable de s'adapter à une nouvelle donne ? »

Interview exclusive de Nicolas Beau
Co-auteur de La Régente de Carthage


Alors que Bakchich, l'hebdo d'information le plus insolent et le moins consensuel de sa génération attend un éventuel repreneur avant de ré-envahir les kiosques, son directeur vit une apothéose médiatique et personnelle, tout cela juste avant de partir pour la Tunisie où l'attendent des amis, mais aussi des lecteurs reconnaissants. Cet événement, Nicolas Beau le doit au peuple tunisien qui a su renverser son dictateur. Comme je l'expliquais dans ce billet, les médias français ne se sont récemment pas privés de citer abondamment ce récent ouvrage qui traitait ouvertement du pouvoir en Tunisie.


Voici l'interview que Nicolas Beau a accepté de donner en exclusivité à Mes petites fables juste avant son envol pour la Tunisie. Il y fait un portrait sans concession de la diplomatie française et dit son espoir en la jeunesse tunisienne.



Quels sont tes liens avec la Tunisie ?

Ça a commencé par hasard. Je me suis d'abord intéressé à l'Algérie via les problèmes de la deuxième génération issue de l'immigration, afin de décrire l'intégration. Puis j'ai été chargé du Maghreb en 1987 à Libération . Au moment du coup d'Etat de Ben Ali, je suis parti trois semaines là-bas, c'était l'époque où la presse quotidienne avait les moyens de faire de longs reportages. J'ai eu le temps de découvrir le petit monde de Tunis, les partis, les intellos et la Tunisie de l'intérieur. J'étais de mèche avec le milieu qui vient de renverser Ben Ali. Ils sont de la Tunisie de l'intérieur, celle qui connaît une extrême pauvreté, qui a du mal à vivre. C'est de là qu'est partie la contestation. Le jeune homme qui s'est immolé était de Sidi Bouzid. 
 
Il y a eu un durcissement du régime dans les années 90, l'état devenant extrêmement policier notamment autour de sa lutte contre l'intégrisme. Mes liens d'amitié avec certains opposants se sont renforcés jusqu'en 1999. J'ai écrit un premier livre, Notre ami Ben Ali, qui a eu pas mal d'écho car Ben Ali venait de se faire réélire avec 99 % des voix à un moment où il n'y avait pas encore eu le 11 septembre 2001, où les intégristes avaient été largement éradiqués. Le score de Ben Ali a égratigné son image en France. Cela m'a valu d'être interdit de séjour en Tunisie. Les liens se sont resserrés avec quelques personnalités qui ont contribué au récent renversement du président et qui continuent de se manifester.


« Leïla Trabelsi a été le chantre d'un féminisme
d'Etat en Tunisie, qui mettait la femme au premier rang,
tout en étant également aux commandes
d'un état dévoyé et mafieux.
»


Pourquoi un livre sur la femme de Ben Ali ?
D'abord, nous étions peu nombreux parmi les journalistes à Paris à suivre de près la Tunisie. La femme de Ben Ali, Leïla Trabelsi, a eu une influence qui n'a cessé de grandir dans un régime aux méthodes de république bananière, dans un contexte extra-sécuritaire. On a senti que ça basculait vers un régime quasi-mafieux. Avec quelques amis, nous nous sommes demandés comment intéresser l'opinion française à ce qui se passait là-bas. Le traiter via la trajectoire d'une femme nous permettait d'évoquer la situation des femmes en Tunisie et au Maghreb. Toutes ces dernières années Leïla Trabelsi a été le chantre d'un féminisme d'Etat en Tunisie, qui mettait la femme au premier rang, tout en étant également aux commandes d'un état dévoyé et mafieux. Nous pensions que ce double aspect serait plus susceptible d'intéresser le public français. Ça a été un échec total. Le livre est sorti il y a quinze mois, il s'en est vendu 25 000 exemplaires, exclusivement parmi le public franco-tunisien et celui qui s'intéresse au Maghreb. Et je n'ai pas eu une seule critique dans la presse française. [Depuis ça a bien changé, NDLB (1)]


« Imed, le neveu de Leïla Trabelsi,
était un voyou absolu et serait en fait,
un fils qu'elle aurait eu très jeune. »


Comment toi et Catherine Graciet vous êtes-vous répartis l'enquête et l'écriture de ce livre ? Et de quelles aides avez-vous bénéficié ?
On s'est divisé le travail par chapitre. Pour enquêter, nous avons consulté beaucoup de sites opposants. Nous avons également bénéficié de quelques contacts privés. Il a fallu distinguer ce qui était de l'ordre de la rumeur de ce qui pouvait être démontré. Mais il y a eu deux choses sur lesquelles nous nous sommes appuyés. Premièrement, l'affaire des yachts volés par Imed, le neveu de Leïla Trabelsi à qui elle pardonnait tout, qui était un voyou absolu et serait en fait, selon certaines personnes et en recoupant l'année de sa naissance, un fils qu'elle aurait eu très jeune. Et deuxièmement, l'affaire du lycée français sur lequel Leïla Trabelsi avait des vues. Voilà deux affaires sur lesquelles nous avons eu beaucoup d'infos précises, de la part de diplomates.

« Une officine du pouvoir tunisien
de 400 barbouzes à la station Botzaris.
»
Pour le reste, nous avons essayé de recouper les informations. Il y a pas mal de choses que nous n'avons pas évoquées car dans un pays où les gens avaient peur, même en France, il était difficile de recouper. Les Tunisiens de Paris avaient peur, ils étaient très craintifs. Il était difficile d'interroger un Tunisien dans un café à Paris, alors qu'à la station Botzaris, il y avait une officine du pouvoir tunisien avec 400 barbouzes à l'intérieur.



Comment vois-tu la Tunisie de demain ?
Il faut reconnaître deux ou trois acquis au régime de Ben Ali. En matière de droits des femmes, il a suivi la politique de Bourghiba. Par ailleurs, il a tendu la main à la communauté juive tunisienne qui a retrouvé une certaine hospitalité en Tunisie. Aujourd'hui, il n'y a aucun retour en arrière possible. Il faut que les élections qui devraient avoir lieu autour de septembre-octobre se passent bien. Il y a beaucoup de facteurs optimistes, ne serait-ce que la grande maturité des Tunisiens. Malgré un gouvernement totalitaire sous Ben Ali, le niveau d'éducation est très élevé en Tunisie. Il y a une ouverture au monde extérieur. La culture démocratique n'est pas étrangère à beaucoup de Tunisiens. C'est une chance. Le courant islamiste est évolué, il a fait beaucoup de concessions entre 87 et 89 quand Ben Ali avait donné l'impression de chercher un compromis, ce qui a abouti à une reconnaissance du code du statut personnel des femmes en Tunisie. La Tunisie prend le chemin du processus démocratique.
La difficulté peut venir du fait qu'il n'y a pas de centralité dans le pouvoir tunisien. Personne ne dirige vraiment. Il y a plusieurs composantes du pouvoir qui cohabitent en assez grande intelligence, mais aucun mécanisme de centralisation. Ils n'ont jamais exercé de responsabilité, ils n'ont pas forcément une grande maturité politique. Espérons que l'apprentissage du pluralisme politique se fasse.


« L'incompréhension que la France à montré
renforce le malaise entre les diverses communautés.
»



Comment la France va-t-elle se positionner par rapport à cette « révolution arabe » ?
Je suis septique par rapport au terme de « révolution arabe ». Certes, il y a un effet d'embrasement dans les pays voisins qui partagent la langue et presque tous la même religion, mais la situation est différente. Et enfin ça se commence à se dire. Mais la une du Point la semaine dernière qui a titré sur « Le spectre islamiste » met sur le même plan les Frères Musulmans (en Egypte) qui sont très rétrogrades, dogmatiques et passéistes et un courant islamiste minoritaire et très évolué (en Tunisie).
Quant à la position de la France par rapport aux pays au sud de la Méditerranée, tout ce qui passe montre qu'elle a fait preuve d'une cécité totale en suivant un schéma fixe. Penser qu'un pouvoir fort était un rempart est une faute intellectuelle grave. C'est l'enfermement du régime qui pousse à adopter des thèses dogmatiques et violentes.
La diplomatie française est-elle capable de s'adapter à une nouvelle donne, de faire son examen de conscience, d'être plus perspicace. Je ne sais pas. Aujourd'hui, que ce soient les diplomates, les intellectuels, les renseignements, tout ce monde là n'est pas très armé intellectuellement face à ce qui est en train de se passer. Par contre, l'administration Obama, malgré les boulets que sont les guerres en Afghanistan et en Irak, fait preuve en Egypte et en Tunisie d'une extrême intelligence.
C'est important pour nous par rapport aux communautés qui vivent ici. L'incompréhension que la France à montré renforce les malentendus, le malaise entre les diverses communautés. Si elle avait fait preuve de courage et de clairvoyance là-bas et ici, les choses seraient différentes.


(1) Note de la blogueuse



Pour en savoir plus, visitez Le blog tunisien de Nicolas Beau, une référence incontournable sur la Tunisie.

in: The world is crying out loud

jeudi 10 février 2011

mardi 8 février 2011

« Le but, c'est le chemin »


Une soirée autour de Stéphane Hessel et ses amis grâce à Mediapart.




Lundi 7 février 2011, 20h00, une immense file sort du Théâtre de la Colline et cours le long de la rue Malte-Brun, fait l’angle et poursuit sa course sur l’avenue du Père Lachaise. 20h30, le théâtre est plein à craquer. J’ai cru que j’allais rester dehors, ou allais être condamnée à suivre les échanges sur grand écran dans le hall du théâtre pour cause de menace de craquage de l’édifice. Heureusement, ma bouille angelinesque m’a permis de me faufiler et de trouver ma place entre les chaussures neuves d’une vieille dame indigne, qui a aucun moment n’a ménagé son enthousiasme.

Tout comme moi, le public était venu en masse pour recevoir sa dose d’indignation, s’indigner en communion. Pourquoi Stéphane Hessel, à 93 ans, génère-t-il autant de sympathie, de suffrage et osons le dire, d’amour ? Pour commencer, le titre de son livre ne pouvait tomber mieux : entre la kârscherisation des esprits, la chasse aux sans-papier dans les écoles maternelles, le lancer de Roms par-dessus les frontières, la privatisation rampante des services publics, le démantèlement de l’Education Nationale, la spéculation sur les logements et l’allongement du temps de travail, il y a vraiment de quoi avoir envie de s’indigner. Et quand un monsieur comme Stéphane Hessel nous invite à le faire : résistant, membre du Conseil National de la Résistance dont on brandit aujourd’hui les valeurs alors qu’il y a encore un an personne n’en parlait dans les médias (signe des temps qui se font menaçants sûrement), ancien Ambassadeur de France, et qui a pris une part active à la rédaction de la déclaration universelle des Droits de l'homme en 1948, on se sent soudain écouté, entendu, compris, légitimé. On se sent moins seul. Venir au théâtre de la Colline ce soir, c’était cela aussi : pouvoir concrétiser, toucher du doigt cette parole « Indignez-vous », matérialiser cet impératif pour qu’il fasse sens, pour s’en saisir, pour se laisser envahir par la plénitude de ne plus se sentir seul, mais ensemble. Remarquable que ce soit un vieux monsieur qui, sur un ton mi-malicieux, d’un air mi-filou, nous convie à dire « Non ». Ne négligeons pas non plus un phénomène affectif latent. Tout comme, à une certaine époque, la France s’était cherchée un Tonton, figure paternaliste, elle trouve aujourd’hui dans les paroles réconfortantes de Stéphane Hessel, héros, la figure d’un grand-père bienveillant qui enchante son présent.

Stéphane Hessel et ses amis, Edgar Morin et Claude Alphandéry, nous ont donné une belle leçon de pétillance, d’humour, de drôlerie, de légereté tout en abordant des thèmes graves. Passer le flambeau à la génération suivante, ce n’est pas rien. Ce soir-là, ils l’ont fait avec allégresse.

Dommage seulement que la soirée ne se soit résumée qu’à une série d’interventions. J’avais imaginé un débat avec la salle, des échanges. Vu le nombre d’invités, la soirée se serait alors terminée au petit matin. Plus que d’échanges ou d’enseignement, il s’agissait d’une célébration. De la révolution tunisienne et égyptienne d’abord. Du soulèvement et de la prise de conscience dans le monde arabe, qui a été un peu trop globalisé à mon goût, ensuite. Célébration est bien le mot. Réjouissante plus que participative. Elle est à l’image de ce que réalise très bien tous les jours Edwy Plenel avec le site d’information Mediapart. Dénoncer, synthétiser beaucoup et surtout caresser l’opinion dans le sens du poil et de la tendance, mais sans jamais faire de concession au politiquement correct ou au correctement politique. Une mission qu’il s’est assigné, déclinée avec brio. Allez chercher les gens là ils attendent les politiques et les médias, c’est-à-dire droit au coeur, sans pour autant délivrer de solutions toutes prêtes à penser. [Si c’est confus, écrivez-moi, je ferai plus clair. (NDLB) (1)]

Se succédant au pupitre, ils ont tous salué le formidable espoir qui s’est levé au sud de la Méditerranée mais aucun n’a omis de souligner que cette révolution est encore fragile. Je n’ai pas compté l’occurrence du mot « liberté » mais il était de tous les discours. Sous-jacente ou explicite, la dénonciation permanente de la condescendance des pays du Nord envers les pays du Sud qui leur chipotent leur droit à la démocratie pour des raisons d’intégrisme larvé, aux aguets, prêt à noyauter les démocraties occidentales pour mieux les renverser. « Il faut nous faire confiance », clame Darina Al-Joundi, la réalisatrice, actrice et scénariste libanaise, « s’il y a des formes de fanatisme, on va gérer ça par la démocratie. »

DR

Edwy Plenel a donc joué les Monsieur Loyal avec talent et modestie, mettant sa verve et sa fougue au service d'invités prestigieux. "Quelle victoire pour la francophonie, ce mot sur toutes ces pancartes : « Dégage ». A nous de savoir le conjuguer."


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Moncef Marzouki, opposant tunisien au régime de Ben Ali, a donné le ton d'une soirée marquée par la bonne humeur en narrant l’épisode navrant d’une conférence sur la Tunisie à Sciences-Po, il y a quelques années, en présence d'un Ministre des Affaires Etrangères "pourtant socialiste" qui a aligné les aberrations telles que "Les peuples arabes n'ont pas besoin de la démocratie, ils ne sont pas matures pour cela". Certes, il est facile de rire aujourd'hui, mais combien il est édifiant de réaliser que ces phrases aient été prononcées et qu'il n'y ait eu personne à l'époque pour les dénoncer, qu'elles soient passées inaperçues et qu'aujourd'hui encore, ce genre de propos risque de glisser sur nos consciences sans qu'aucun réflexe ne nous mette alerte. Non pas que nous y soyions insensibles, mais bien plutôt anesthésiés par la douce musique médiatique qui nous explique quand nous indigner. Cependant, son récit a bien fait rire la salle jusqu'au moment où après beaucoup de dérision il a tangué vers l'émotion.
"La révolution tunisienne, c’est une révolution dans les têtes."
"Le mot « Dégage » que l’on lit aujourd’hui sur les pancartes en Egypte, vient de Tunisie. L’hymne national tunisien est chanté au Yemen."
"Voir cette indignation face la dérive de la politique des dictateurs me rassure. Nous sommes, vous êtes responsables de cette révolution."


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Très grosse émotion lorsque l'avocate tunisienne militante des droits de l'Homme, Radhia Nasraoui est apparue sur scène et salve d’applaudissements nourrie.
"Il est important pour moi de remercier tous ces Français qui nous ont soutenus. Ce régime a tout fait pour nous priver de nos libertés, de nos droits. Je n’arrive pas à concevoir qu’on vienne en Tunisie et qu'on déclare que le premier des droits humains est de manger, puis d’avoir un logement, alors que j’étais personnellement en grève de la faim pour protester contre le harcèlement que nous subissions de la part du pouvoir avec ma famille. Nous venions en France ou à Genève, pour retrouver notre droit de parler."
"Des dizaines de milliers de personnes sont mortes sous la torture en Tunisie, dans les prisons, dans les commissariats. Elle se pratiquait devant le ministre qui donnait des instructions au tortionnaire devant la victime. J’en parle beaucoup car je suis la présidente d’une association contre la torture en Tunisie."
"Actuellement, la liberté de parole en Tunisie est compromise. Ceux qui sont contre le gouvernement de Ghannouchi n’ont toujours pas le droit de parler à la télévision. C’est une révolution inachevée. L’appareil est toujours là. Est-ce qu’on va pouvoir demander à ce Parlement de voter des lois garantissant la liberté ? Je ne crois pas. Il est vrai qu’on a chassé Ben Ali et sa famille mais le gros du travail reste à faire. Les Tunisiens continueront leur combat. Maintenant les démocraties occidentales réclament des élections présidentielles. Mais qui dit que les Tunisiens ont besoin d’un régime présidentiel ? Ils ont besoin d’un régime parlementaire. Dans ce pays, les présidents deviennent des rois. Je suis sûre que les Tunisiens gagneront s’ils continuent de batailler pour une vraie démocratie, dans un pays où tout le monde pourra batailler sans tout perdre."


P.NK1/fokus21
Claude Alphandéry, chantre de l’économie sociale et solidaire, a donné un petit cours d'espérance.
"Les agences de notations qui avaient donné la note de AAA à la Tunisie de Ben Ali se sont aussitôt dépêchées de dégrader sa place dès l’amorce démocratique. C’est à vous Français, maintenant que les Tunisiens ont viré Ben Ali, que les Egyptiens sont en passe de dégager Moubarak, de vous débarrasser de cette caste financière qui rançonne les populations."
"Dans le maquis, quand la Résistance est devenue un formidable mouvement populaire, les comités de résistance formaient de véritables clubs citoyens où l’on débattait beaucoup. Ils ont fortement inspiré le Conseil National de la Résistance. Les citoyens ont pris une part importante dans l’avancée économique et sociale que nous avons connue pendant les Trente Glorieuses.
Une idéologie consumériste imprègne une partie de la population, freine son développement. Pourtant des initiatives plus ou moins nombreuses prennent forme pour l’emploi des personnes que l’on forme, pour le service aux personnes... sans dépendre du seul marché, pour un mieux vivre collectivement. Ces initiatives tracent les voix d’une économie sociale et solidaire. Elle est éthique et fonctionne de façon démocratique. Elle constitue une forme de résistance au pouvoir absolu de l’argent. Elle est encore fragmentée entre des acteurs qui se connaissent mal, s’entraident peu et dont la force transformatrice n’est pas encore connue. Le Labo de l’ESS (qu'il dirige) tente de les mettre en mouvement par des Etats Généaux. Ils seront l’aboutissement d’une très longue marche pour faire remonter les initiatives dans des cahiers d’espérances et non de doléances comme du temps de la Révolution. Nous ne pouvons rien faire les uns sans les autres. Les droits de l’Homme ne se divisent pas."


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Son foulard opportunément rouge autour du cou, pein de vigueur et d'enthousiasme, Edgar Morin harangue le public le bras levé. Les objectifs des photographes de presse au pied de la scène crépitent devant cette image évocatrice.
"Amis, frères, soeurs, quel bonheur que cette soirée. Il y a trois messages émanant du printemps tunisien. Le premier : comme en 89, cela est arrivé, cela restera et cela vivra. Le deuxième : ils brisent la fausse alternative entre un état policier et une théocratie religieuse. Le troisième : Les Arabes sont comme nous et nous sommes comme les Arabes" (Applaudissements)
Pour finir il cite le poète espagnol Antonio Machado, mort avant la deuxième guerre mondiale, enterré à Collioure et sur la tombe duquel de jeunes espagnols viennent encore déposer des poèmes. « Toi qui chemines, il n’y a pas de chemin. C’est en marchant que tu fais le chemin. »




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Stéphane Hessel, bras écartés, yeux mi-clos, semble savourer le moment. Il entame, usant d'un humour délicieux :
"Quand on a des amis comme j’ai (et d’énumérer ses amis présents ce soir), et quand on a produit soi-même 20 pages (sur un air d'auto-dérision suite à la longue énumérations des faits et armes de ses amis. Rires de la salle.) avec un titre assez émouvant quand même, c’est pour moi un moment tardif dans ma vie, 93 ans c’est vieux, mais un moment extrêmement émouvant. Grâce à nos amis égyptiens, tunisiens et les autres, nous nous sentons au seuil d’une transformation beaucoup plus radicale que ce que nous avons connu, de vivre libre et heureux dans la communauté humaine. Nous sommes des hommes qui ont les pires habitudes et les meilleures possibilités. Parmi nos pires habitudes, on trouve la volonté de dominer... L’autre façon dont nous sommes conçus se retrouve dans la façon dont mes amis tunisiens se sont débarrassés de leur dictateur, pacifique. En France, il y a de quoi nous indigner. Je ne vous énumèrerai pas la liste. Grâce à cet exemple, nous pouvons prendre un nouveau souffle et nous appuyer sur la part de nous généreuse qui veut partager avec les autres" 


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Darina Al-Joundi, réalisatrice, actrice et scénariste libanaise.
"Je suis de père syrien, de mère libanaise, née au Liban, femme d’Egyptien et palestinienne de coeur", dit-elle en se tournant vers Elias Sanbar. (Applaudissements)
"Ayez foi en cette jeunesse, parce qu’avec une jeunesse pareille, on pourra se rencontrer et  le dialogue entre les cultures pourra avoir lieu. Le peuple égyptien a beaucoup d’humour. Chaque jour, nous recevons le slogan du jour dans les manifs. Le slogan d’hier c'était « Casse-toi, ma femme me manque. »"


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Mahmoud Hussein, nom de plume commun de deux auteurs égyptiens, Baghgat Elnadi et Adel Rifaat, s'est exprimé par la voix de ce dernier.
"Ils ont fait corps, ils ont fait peuple. Cette fois pour arracher leur droit à leur autodétermination personnelle. Au lieu d’une opposition, le peuple a inventé une révolution, sans leader mais avec des centaines de leaders. Le peuple en révolution n’est pas seulement grand, il est beau, mature, civilisé. Il se veut exemplaire. Son arme, ce n’est pas le fusil d’antan, c’est le téléphone portable, Facebook ou Twitter. Là où l'armée du despote blesse et tue, ils ne répondent pas à la violence par la violence. Ils se sentent dépositaires d’une légitimité qu’ils ne reconnaissent plus au pouvoir. Une nouvelle subjectivité est née qui rejette la dictature et marginalise l’intégrisme"
Soudain, il fait sortir son discours des marges un peu trop strictes de sa feuille en disant "c'est ce que Baghgat et moi attendons depuis un siècle" au lieu de demi-siècle. C'est ce qu'on appelle un lapsus révélateur. 


Elias Sanbar, l'actuel ambassadeur de Palestine auprès de l'UNESCO, dénonce les analyses et les regards occidentaux portés sur cette révolution. L’auteur d’un « dictionnaire amoureux de la Palestine » se régale des faux-fuyants d’une presse française qui ne sait pas trop sur quel pied danser et hésite à sacrifier la chèvre pour sauver le chou.
"Cette soirée est belle car votre joie fait écho à la joie des Arabes et la joie des Arabes fait écho à votre joie. Mais l’abjection se cache, n’ose se montrer au grand jour. Elle nous dit par exemple que les Arabes sont fondamentalement fondamentalistes"
"On essaye de nous expliquer que c’est la révolution Facebook. Comme si c’était les ordinateurs qui avaient tout fait et que cette révolution était virtuelle."
"Dans le champ lexical, on relève les termes « fièvre », « contagion », « épidémie », comme si la démocratie devenait une maladie lorsqu’elle s’applique aux Arabes. On entend également parler de la « rue arabe » car on ne peut plus dire « la plèbe », « les voyous », « la masse » avec tout le mépris que cela inclut. Du temps des manifestations contre les retraites, jamais nous n’avons entendu parler de « la rue française »."
"Ces instances ne savent pas quoi inventer pour dire leur dépit et cela ne nous fâche pas qu’elles soient dépitées."
"Cette révolution est une surprise car nous étions désespérés, même si nous ne nous sommes jamais arrêtés de nous battre. Nous étions consternés par ce que nous étions et pas seulement par ce que d’autres faisaient. C'est pourquoi la joie est grande. (La voix chevrotante il fait monter les larmes aux yeux de l'assistance.) Les Arabes n’ont par regagné leur dignité, c’est la seule chose qu’ils n’ont pas perdue."
Le registre se fait alors plus poétique. 
"Ils n’ont pas dit « Il est l’heure » car il est toujours l’heure de la liberté, mais « c’est possible ». Ҫa a été la possibilité des enfants de l’Intifada... La démocratie, c’est un pari, un risque, donc un combat permanent. La liberté est une vigilance permanente."


Tonnerre d’applaudissements, standing ovation pour un final mouillé à l’émotion. Voir ces résistants, par leur corps et leur âme, debout sur scène, se tenir la main, recevoir l’hommage d’un millier de personnes qui les ont écoutés, applaudis, acclamés peut interroger sur le besoin d’indignation de l’opinion française. Plus que de l’indignation, dont elle ne manque à vrai dire pas –connectez-vous sur Facebook, sur Twitter pour le comprendre— cette opinion a besoin d’idéal, de modèle, a besoin d’avoir à nouveau envie, de se mobiliser, de faire corps comme Tunisiens et Egyptiens, mais aussi Algériens, Ivoiriens, Jordaniens, Yéménites qui aujourd’hui font corps, font peuple. Cette opinion se retrouve confusément dans cet « Indignez-vous », impératif prometteur, promesse qui a agité la jeune assemblée nationale en juin 1789, celle qui agite peut-être la jeune constituante aujourd’hui en Islande.

(1) Note de la bloggueuse  




in: In the mood for anger

lundi 7 février 2011

Le bon temps des The Velvet cats

Février, c’est déjà l'heure du Gloomy Monday de mon invité. Renaud Chenu qui n'est jamais à cours de bonnes idées ni de scoops, nous a déterré en exclusivité une vraie rareté. Plume alerte de Bakchich , Renaud met maintenant son talent en pratique sur le site d'information Parti Pris.


Si Youtube avait existé dans les 90’s, ils seraient sans doute millionnaires ou auraient gagné l’Eurovision. L’un dans l’autre ils seraient passés chez Drucker. Mais comme ils appartiennent à une époque où la seule chose qui ne marcha jamais à Nancy fut Platini, ils tombèrent dans l’oubli sans jamais s’être fait connaître. The Velvet Cats, fils pas du tout spirituels de C. Jérome, à ne pas mal-confondre avec The Velvet Underground, ou l’âge d’or du LOL avant l’invention des lolcats sur internet.
L’anonymat les a sauvé. Sans le bide total de leur carrière musical jamais commencée, peut-être trôneraient-ils au hit des stars oubliées aux côtés de Bernard Minet et Framboisier. Il est donc grand temps de réparer cette injustice et de découvrir ce groupe qui ne fut jamais redécouvert… Un album complet, sans conservateur, bien léché ça colle mieux, mais qui ’’arrache les oilps’’ selon un fan. Une jacket qui est au rock ce que le clitoris est à la femme, et pas du tout inversement. Un enchainement de titres où le bien et le mal remettent la balle au centre, car l’important, c’est les trois points : Amitié Cassoulet, Real Solitude (adieu le monde…) Sensation absolution (Saisi ta chance), Sublimo ’’Sublimo va fanculo’’, Le bon vieux temps du BEPC, Étron Mignon, Oddabryce, Rappel des the Velvet cats et enfin ce qui ne fut jamais un tube alors que… Mannschaft ’’Mannschaft, tu es ma déesse préférée’’ (magique) sont les neuf titres qui restent de leur délire créatif pré-pubère. C’est Jean Deles’, connu pour être le mec le plus cool du monde, qui avoua récemment avoir gardé une cassette, la seule jamais enregistrée en réalité, et qui décida de livrer ce trésor au monde, gratos, en toute élégance, vive l’internet.
Mais laissons la parole aux artistes, plus frais que pâture.
Le chanteur, Jean-Eude, nous confie, laconique ’’A part ça les chansons sont géniales, une vraie inspiration et une grande variété de composition musicalement parlant, des chromatismes troublants, un toucher de basse délicat voire funky, une présence scénique du chanteur lead hors norme, une balance des paiements voix-instruments qui frôle l’infinie perfection… Sinon les paroles et les chœurs sont à chier, mais on passe outre. ’’
Le choriste y met autant de coeur ’’A part ça les paroles et les chœurs sont géniaux, une vraie inspiration et une grande variété de composition littérairement parlant, des rimes troublantes, un phrase délicat voire funky, un maniement linguistique du parolier hors norme, une balance entre humour et engagement politique qui frôle l’infinie perfection… Sinon musicalement les chansons sont à chier, mais on passe outre. ’’
Bon, quand on sait qu’Abdel Malik a obtenu un ’’prix Edgar Faure de la littérature’’ cherchant à légitimer l’illettrisme commercial exprimé par le slam et quand, en plus, on apprend que la punk à chien sans chien ZAZ a décroché le ’’prix de la Chanson de l’année’’ avec sa daube monumentale ’’Je veux’’ qui exalte la décroissance de supermarché sur fond de révolte digne de la conscience politique d’une huître… Et bien on se dit que The Velvet Cats, hein, bon, moi je ne suis pas critique musical, donc je vous laisse découvrir, et si vous n’aimez pas, c’est que vous êtes un vieux con, pas drôle, qui n’a rien compris au second degré. Have fun.
Renaud Chenu

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in: Gloomy monday

dimanche 6 février 2011

Le courrier - II from Zoé Cyrano

Souvenez-vous ! La narratrice a reçu un courriel qui, visiblement, ne lui était pas destiné, lui proposant de se soumettre en ne cachant rien de son intimité, pour qu'une relation s'enclenche avec l'auteure du mail qui a fixé cette condition. L'héroïne se lance le défi d'entrer dans le jeu. Elle répond au courriel en joignant toutes les photos qui ne cachent rien de son intimité...


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Près d'un mois s'était écoulé depuis la singulière aventure dont j'ai déjà donné le récit, sans que la moindre réponse vienne récompenser mes efforts. J'avais bien tenté de relancer brièvement ma mystérieuse interlocutrice, sous le couvert entendu de m'assurer de la bonne réception de mes clichés, mais cet ultime appel était lui aussi resté sans effet et j'avais naturellement fini par oublier, ou plutôt occulter toute l'histoire.

Celle-ci devait bientôt me rattraper un certain soir, sous la forme d'une enveloppe de kraft déposée dans ma boîte aux lettres, sans timbre ni adresse, rien que mes nom et prénom tracés à l'encre, d'une écriture fine et élégante qui retint aussitôt mon attention. Rien n'aurait pu me le faire supposer et pourtant je savais. Bien que seule j'attendis d'être montée chez moi avant de l'ouvrir, la vue troublée par l'émotion... c'était bien elle, mon inconnue du mois précédent, en eûs-je douté que le tirage photo qu'elle avait joint aurait fini de me convaincre, on m'y voyait dans le plus simple appareil, mon visage était bien sûr caché par le masque vénitien mais on m'y devinait sans peine au bord de la plus extrême jouissance. Un excellent choix, qui accompagnait une lettre imprimée au laser dans une police très épurée, sur un unique feuillet :

« J'espère que cette attente vous aura à la fois appris une certaine forme de patience, et convaincue du sérieux de ma démarche, ainsi que du soin que j'y apporte. Nous avions convenu de rapports virtuels, mais tu m'as donné envie de t'emmener plus loin, et ce sans plus attendre. Lorsque tu recevras cette lettre, il te restera presque une semaine jusqu'au samedi soir suivant pour te préparer à notre rendez-vous. Tu te rendras, aux alentours de onze heures, à l'adresse portée au dos de ce feuillet, le plan qui l'accompagne est assez précis pour que tu puisses me trouver sans difficulté. Prends ton mobile avec toi, tu viendras seule et en jupe, j'y tiens. Tu entreras pieds nus dans le local dont tu trouveras la porte entrouverte à ton arrivée. N'allume aucune lumière, l'électricité sera de toutes manières coupée. Ne me fais pas défaut. »

Tiens, encore à suivre...




Pour lire les nouvelles érotiques de Zoé Cyrano, si et seulement si, vous avez au moins 18 ans.




in: The closer I get

samedi 5 février 2011

La soupe de lentilles ! on dit merci.

Aujourd'hui, et après une longue absence, la rubrique culinaire prend ses quartiers d'hiver et vous réchauffe le corps et le coeur en faisant brûler un grand feu de joie et une soupe aux lentilles. 


Préparation : 12 minutes
Cuisson : 30 minutes
Pour 4 personnes 

- un oignon
- 200g de lentilles sèches
- 3 cuillères à soupe d'huile d'olive
- une gousse d'ail 
- 50g de concentré de tomate 
- 2 petits piments de Cayenne
- une feuille de laurier
- 1 litre d'eau
- du sel et du poivre


Passer les lentilles et les feuilles de laurier sous l'eau froide et les égoutter. Faire chauffer l'huile dans une sauteuse. Eplucher et hacher l'oignon. Peler et presser la gousse d'ail. Les faire chauffer à feu doux dans l'huile jusqu'à ce que l'oignon devienne translucide.

Ajouter le concentrer le tomate, les piment de Cayenne, les lentilles, les feuilles de laurier et l'eau. Dès que l'eau bout, baisser le feu et couvrir la sauteuse. Laisser cuire environ 30 minutes. 

Une fois les lentilles cuites, retirer les piments de Cayenne et les feuilles de laurier. Ajouter sel et poivre. 

Servir.

© Angelina

in: L'eau à la bouche